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Ceci est un blog-roman.
Si tu es perdu, je te conseille d'aller au premier chapitre du roman, qui est tout à la fin, ici.


mercredi 20 janvier 2016

Rasbow part3 - Sous le feu des projecteurs


 
   Rasbow 3


  
Le feu des projecteurs s'alluma. Un son de réglage de micro se fit entendre sur toute la place. Rasbow était ébloui par les lumières ; il avait chaud, comme il avait déjà passé une répétition pour le concert de ce soir. La sueur froide stagnait encore sur son front. Sa voix avait chauffé pendant la soirée. A présent, elle était parfaite. Son esprit transcendait son corps, comme s'il voyait ce qui se passait de l'extérieur. La nuit était étincelante, les étoiles brillaient et les aurores fusaient dans le ciel. La planète appelait un sacrifice.
   Rasbow se tourna vers son groupe. Envy lissait ses cheveux en arrière, ses doigts recouverts de graisse pour faire briller son crâne. Lucy accordait sa guitare, battant des faux cils immenses qui recouvraient ses yeux. Henric quant à lui faisait craquer son cou, les mains déjà en place sur sa basse, les lunettes rondes vintages posées sur l'arête de son nez. Tout le monde était prêt, Rasbow n'en pouvait plus d'attendre. Il avait fallu des heures pour installer la scène et régler les lumières et le son. Ce concert promettait d'être exceptionnel, au vue de l'attention dont il avait bénéficié. Au fond de lui, Rasbow espérait qu'on l'entendrait de très loin, jusqu'à la fin de la ville, même jusqu'au bout de la terre, là où la mer reprenait ses droits.
   Il entendit un battement de tambour, signe qu'ils pouvaient démarrer. Rasbow inspira un grand coup et commença à jouer. Son médiator glissait sur les cordes de sa guitare, projetant un son encore doux mais vif. Le feu brûlait en lui, attendant de pouvoir dévorer son âme et tout ceux qui écoutaient ce concert. Lorsqu'il fit entendre sa voix au micro, c'en fut trop. La petite foule qui écoutait le concert commençait déjà à crier son nom. Les Chanteurs qui n'avaient pas LA voix étaient facilement impressionnés par ceux qui la possédaient. Pour eux, c'était presque un pouvoir, le pouvoir de modifier la réalité et de transporter les êtres vivants dans une transe quasi religieuse. Rasbow était heureux de pouvoir apporter ça à des gens qui le réclamaient. Sa voix résonnait dans le micro, criant les paroles de son cru, traitant de malheurs et de bénédictions pour ceux qui suivaient la voie sacrée de la rédemption.
   En face de lui, il apercevait le cercle de flamme que Lars avait fabriqué avec de l'essence et quelques allumettes restantes. Les proies étaient installées au centre du cercle, détachées mais désorientés par la folie qui les entouraient. Bientôt ils seraient sacrifiés à la planète, afin de calmer les ardeurs de la divinité qui les a tous maudits. Bientôt, ils rejoindraient leurs ancêtres et contribueraient ainsi à rendre le monde meilleur. Certaines hurlaient pour communiquer leur effroi et la terreur qui les prenait à l'idée de mourir par le feu, ou par d'autres outils tout aussi impressionnants. D'autres s'étaient mis à prier, à se mettre à genoux et à scander le nom d'une entité supérieure à eux. Champolion, perché sur son piédestal, leva les bras, éclairé par un faisceau de lumière soudaine.
   « Seigneurs du temps et de l'espace ! Ecoutez notre chant et acceptez notre sacrifice ! Nous nous sommes conduits comme des sauvages par le passé, et il est temps de mettre un terme à ce règne de chaos et de l'enfer qui nous embrase ! »
   Lars apparut de l'autre côté, surélevé lui aussi par quelque estrade. Il brandit un couteau dont la longueur de la lame atteignait la longueur d'un bras, puis il le lança au milieu des sacrifiés qui fuyaient pour éviter de se faire embrocher vivants.
   « Misérables ! Acceptez votre propre sacrifice pour la postérité de ceux qui vivront encore après vous ! Acceptez de n'être que la nourriture de notre mère la Terre, laissez votre enveloppes charnelles périr et votre âme entrer en contact avec le divin ! Aidez-nous à rendre le monde meilleur ! »
   Alors que la musique battait son plein, les proies regardaient l'arme avec un mélange d'horreur et d'espoir. Il valait mieux mourir de sa main que risquer d'agoniser par un autre moyen. L'un d'entre eux se jeter sur le couteau et n'hésita pas à trancher ses veines, laissant le sang couler à flot pendant de longues minutes avant sa mort. Un autre lui arracha des mains et mit un temps avant de se l'enfoncer dans le corps, poussant par la suite un hurlement d'agonie. D'autres encore regardaient ce spectacle avec dégoût, ne se décidant pas à passer à l'acte, peut-être en espérant qu'ils pourraient s'enfuir avant la fin.
   Rasbow était en transe. Jamais il n'avait été aussi transporté par la musique. Il croyait réellement que la musique avait un effet divin sur tous les hommes. Sinon il ne ressentirait pas autant de choses en même temps pendant le concert. Il ne sentait plus le bout de ses doigts qui le brûlait à force de se frotter malencontreusement aux cordes, ni ses cordes vocales qui commençaient à fatiguer, ni ses jambes flageolantes qui ne le tenaient que par sa volonté. Son cœur battait au rythme endiablé de la musique. A ses oreilles, tout était parfait. Il avait l'impression d'être un dieu vivant, descendant au milieu des mortels pour leur apporter le bonheur le plus absolu. Quelques sacrifices valaient bien tout ça.
   « Seigneurs du temps et de l'espace ! Cria Champolion une nouvelle fois. Ces malheureux ne veulent pas mourir pour vous ! Ils ne veulent pas participer au grand dessein que vous avez conçu pour eux ! Il est temps à présent de leur montrer ce qui en coûte de désobéir à votre loi ! »
   Lars grimpa au-dessus des flammes, une bouteille à la main. Le feu se reflétait à travers ses petites lunettes rondes et dans le verre de la bouteille. Les proies se mettaient à genoux, suppliant qu'on les libère, gémissant de leur sort. Soudain, l'un d'eux se jeter à travers les flammes, n'écoutant que son courage et son désespoir. Débarquant à l'extérieur du cercle, il hurlait de la douleur qu'il reçut au contact du feu. Ses vêtements brûlaient et fumaient, le consumant jusqu'aux os. Avant qu'il ne meure de combustion, il courut se jeter dans l'eau, non loin de là. Les spectateurs crièrent de rage pour le rattraper, mais Lars leva la main pour les stopper. Le malheureux plongea dans l'eau, ce qui l'éteignit, puis quelques minutes plus tard, l'eau fut troublée par du mouvement. Ils aperçurent tous l'homme qui se débattait, essayant de remonter à la surface et de retourner à la terre ferme. Mais il fut emporté par quelque chose qui logeait dans l'eau, puis on ne le revit plus. Lars reporta son attention sur l'assemblée.
   « Vous voyez ce qui arrive aux rebelles ? Ils n'échappent pas à leur destin ! Le monde les avale sans aucune forme de répit, parce que le monde est beaucoup plus cruel que nous, les hommes ! »
   Après son discours, Lars lança la bouteille au milieu des flammes. Au moment où elle entra en contact avec le sol, elle se fissura et d'un coup un torrent de flammes naquit au centre du cercle pour s'élever vers le ciel avec fureur. Les proies brûlèrent sur le coup, mortes dans d'atroces souffrances, et leurs cris s'ajoutèrent à la musique qui brisait le silence avec fracas. La foule était en délire. Les gens, perdant tout sens commun, transporté comme Rasbow par la musique divine, déchiraient leurs vêtements, hurlaient à la mort, et s'accrochaient à l'estrade avec fureur. Les visages étaient défigurés par le plaisir. Puis enfin, Rasbow donna le dernier coup de médiator sur sa guitare, achevant son requiem furieux en un souffle.

mercredi 13 janvier 2016

Rasbow part2 - Au crépuscule du campement



   Rasbow 2


   Rasbow savait que les Chanteurs se réunissaient dans les villes, étant divisés en groupe afin de répandre leur pouvoir plus facilement sur le territoire. De son côté, ils étaient une vingtaine de personnes, dirigés par Champolion et par un autre homme qui s'appelait Lars. Il était très grand, les cheveux blonds en brosse et avec une quasi-absence de sourcils. Rasbow ne l'aimait pas beaucoup, il n'était pas très bavard et plutôt autoritaire. Lui n'essayait pas de lui faire comprendre les choses comme Champolion savait le faire. C'est pourquoi Rasbow le côtoyait le moins possible.
   Leur groupe se déplaçait grâce à un camion dont la batterie marchait miraculeusement encore. L'essence n'était pas ce qui manquait le plus bizarrement, il y avait toujours moyen d'en récupérer quelque part. De plus, l'un d'eux était un genre de chimiste-sorcier qui tentait d'inventer un nouveau carburant permettant de se passer de pétrole. Ses essais ne s'étaient pas encore avérés concluants, mais il y avait du progrès. Il avait même failli se faire sacrifier pour avoir fait sauter un des camions qu'ils avaient récupéré. Rasbow avait beaucoup ri ce jour-là, mais la situation n'était pourtant pas à la rigolade.
   Quand ils étaient en déplacement, Rasbow s'ennuyait alors il grattait constamment quelques notes sur sa guitare en chantonnant, recherchant des nouveaux sons. Certaines fois, ses compagnons s'en plaignaient et lui demandait de la fermer. Mais souvent, ils dormaient ou somnolaient les uns contre les autres sans se manifester durant tout le voyage. Pendant ces moments, Rasbow prenait son pied. Il fermait les yeux et se plongeait dans sa musique, le cœur débordant d'allégresse. Il n'était jamais aussi heureux que lorsqu'il jouait. Il s'imaginait des fois que l'âme de Keith Richards le possédait et lui faisait jouer des morceaux inimaginables que personne n'a jamais découvert.
   « Ferme-la Raz ! »
   Ce jour-là, ils s'étaient arrêtés dans une très grande ville. Le panneau d'arrivée indiquait « Orle » puis autre chose que Rasbow aurait eu bien du mal à déchiffrer. Il le savait car il était monté sur le toit du camion pour voir à l'avance où ils se rendaient. De plus, l'intérieur du camion était une infection. Il faisait sombre, les gens ne s'étaient pas lavés depuis longtemps et une portion de bouffe devait commencer à fermenter et à empester dans toute la cabine. Dans ces cas-là, l'entente au sein du groupe était plutôt tendue, et Rasbow ne se risquait pas à jouer quelque chose. La ville se trouvait entre deux collines et s'étendait vraiment sur un très grand territoire. C'était toujours impressionnant de voir autant de maisons aussi serrées et aussi nombreuses. Ces paysages rappelaient toujours à Rasbow son enfance, lorsqu'il habitait encore avec ses parents au même endroit. Comment s'appelait cette ville déjà ? Il ne saurait s'en souvenir.
   Le camion était entré dans Orle et avait suivi la route au milieu des immeubles sans s'arrêter. La ville ressemblait tout de même à n'importe quelle autre. Elle était en ruine, la moitié des bâtiments privés d'un morceau de leur armature, et des déchets trainant partout au milieu des rues. Les voitures n'étaient pas un problème, le camion avançant toujours en poussant les carcasses vides des véhicules barrant le chemin. Il arrivait parfois qu'il faille réparer une ou deux choses sur le devant, tellement le camion avait heurté d'objets, mais c'était sans gravité.
   « Arrête-toi là ! Avait hurlé Lars, au devant du camion. »
   La place ronde était à moitié envahie par les eaux. Le centre rempli autrefois de plantes pimpantes se gorgeait d'eau et était devenu un marécage où des plantes verdâtres avaient continué à pousser de manière démesurée. Le camion s'était arrêté à l'entrée de la place, laissant sortir tout le groupe qui jubilait à l'idée de sortir de la cabine. Rasbow avait repéré du haut du camion qu'une partie de la ville avait l'air inondée, sans doute dû à sa proximité avec la grande rivière qui passait au milieu. Il se demandait dans ce cas si ces eaux étaient potables.
   « Tout le monde en poste, et que ça saute ! S'écria Lars, visiblement pressé de donner des ordres. Les chasseurs, partez maintenant chercher des proies. Toi, toi et toi, allez chercher de la bouffe. Ensuite, on va installer le campement ici, et on aménagera une de ces maisons là... »
   Il continuait à pointer du doigt un nombre incalculable de choses en déblatérant des ordres à tord et à travers. Rasbow savait qu'au moins il finirait par se taire après ça. Il fut désigné pour installer le campement avec d'autres musiciens. Champolion surveillait cette opération et comptait les stocks. C'était le chef du matériel et de la musique, contrairement à Lars qui menait la chasse.
   Au milieu de la préparation, Champolion interpela les musiciens.
   « On va rester ici pour un moment, ça m'a l'air d'être un bon endroit pour communier avec le monde. On va voir ce que les chasseurs peuvent rapporter.
   - C'est pas grave qu'il y ait beaucoup d'eau vers nous ? Demanda Rasbow avec une pointe d'inquiétude.
   - Non, c'est même une bonne chose ! Il ne faut pas avoir si peur de l'eau, nous ne sommes pas à côté de l'océan, donc dans l'immédiat nous n'avons rien à craindre ! »
   Rasbow demeura tout de même vaguement inquiet. Il avait presque peur qu'une créature en sorte et dévore tout sur son passage. Sa mère lui avait souvent raconté des histoires à faire peur sur les monstres qui existaient dans ce nouveau monde. Mais ce n'était pas le moment de s'inquiéter de ces choses. Il valait mieux faire le travail demander pour l'instant.
   Une fois le matériel sorti et comptabilisé, les tentes installées et le camion garé correctement, ils investirent la maison qui se trouvait toute proche. Elle possédait un étage, ce qui serait suffisant pour installer tous les membres du groupe. A l'intérieur, il restait encore une bonne partie du mobilier, quelques boîtes de conserve non avariées et surtout des lits et des couvertures. Il leur suffit d'aller chercher d'autres matelas dans d'autres maisons pour entasser un dortoir dans leur nouvelle maison.
   Quand ils sortirent de la maison, les premiers chasseurs arrivaient avec des victimes. Il y avait deux enfants en bas âge, pleurant toutes les larmes de leur corps et portés par un chasseur qui en avait visiblement marre de leurs piaillements. Une femme en combinaison avec le visage en sang les accompagnait, le regard vers le bas et avec un air de résignation. Il restait encore un homme qu'un chasseur portait sur ses épaules car il n'était plus conscient. Champolion s'approcha, satisfait de ce qu'ils avaient ramené.
   « Super ! Amenez-les dans la cage pour le moment. »
   La cage était en fait un lot de quatre grilles qu'ils assemblaient lorsqu'ils campaient quelque part, sinon elles étaient entreposées dans le camion, par-dessus lesquelles le groupe s'asseyait. La cage était assez grande pour contenir une dizaine de personnes bien tassées. Mais l'avantage de la cage était de pouvoir attacher d'autres candidats au sacrifice tout autour avec de solides liens. Ainsi la cage pouvait contenir une trentaine même de personnes.
   Rasbow regardait les chasseurs enfermer les proies. Il avait de la peine pour elles, mais il savait bien que c'était nécessaire. De plus, si jamais ils trouvaient des personnes possédant encore la voix pure, ceux-ci auraient le droit de venir avec eux. Dans ce cas, Rasbow gagnerait encore d'autres compagnons à qui il pourrait faire écouter ses morceaux. Lorsqu'il croisa le regard de la femme, il eut du mal à détourner les yeux. Il la trouva très belle, la combinaison moulait sa grosse poitrine et ses hanches larges. Immédiatement, la fougue de Rasbow se réveilla et dressa le drapeau du désir sans prévenir. Surpris, Rasbow se détourna d'elle et tenta de penser à autre chose pour se calmer. Ce n'était pas possible d'être attiré par une proie. C'était une très mauvaise idée, étant donné qu'ils allaient être sacrifiés. Malgré lui, Rasbow espéra que la femme ait encore la bonne voix et qu'elle reste avec eux. Comme pour dissiper ses pensées, Champolion arriva vers lui et posa la main sur son épaule.
   « Il est temps de préparer le spectacle de ce soir ! Avec un peu de chance, nous aurons un public ! »


mercredi 6 janvier 2016

Rasbow part1 - Rock'n Roll


 
   Rasbow 1


  
Depuis qu'il était petit, Antoine avait toujours rêvé d'être une rock star. Jouer de la guitare électrique, chanter à tue-tête devant une foule endiablée et se jeter du haut de l'estrade constituaient les choses qui feraient de lui un homme heureux. Lorsqu'un jour, son père lui fit écouter une chanson obscure sortie de la bouche d'un certain Keith Richards, Antoine en fut émerveillé. Cette révélation marqua pour lui le début d'une vocation. Malheureusement, peu de temps après, son père fut tué dans une émeute de révolte pro-post-apocalyptique, explosé parmi le flot de bombes artisanales créées spécialement pour l'occasion. Malgré ça, Antoine garda cette idée en tête qui le ferait monter sous le feu des projecteurs. Il s'imaginait déjà rallier les peuples sous la bannière de sa guitare, volée dans un magasin d'instruments de musique quand les vendeurs commençaient à déserter leurs boutiques. Tout le monde l'acclamerait et scanderait son nom...
   ...Bien qu'en vérité, il n'aimait pas vraiment son nom de naissance. Ça ne faisait pas assez « rock star » à son goût. S'il avait pu avoir un nom de scène, ça aurait été Rasbow. Il avait découvert le mot « rasbo » sur une boîte de céréale, sûrement le nom d'un de ces multiples animaux qui servent de mascottes pour les enfants. Et puis, écrire un -w à la fin ajoutait un petit quelque chose de plus. Antoine essayait donc de se faire appeler Rasbow pour que sa légende débute, tel un trampoline vers la route du bonheur.
   La deuxième problème faisait qu'il était particulièrement difficile de rallier les gens à sa noble cause. Après les catastrophes et le début de l'ère du chaos où les gens se sont mis à s'entretuer et à partir dans toutes les directions, Antoine avait tenté désespérément de former un groupe et de mener son propre combat. Seulement, la plupart des gens n'en avait rien à faire d'un groupe de rock, ils cherchaient surtout à survivre. Enfin, vinrent les Chanteurs qui réclamèrent le droit absolu de créer de la musique et de s'en servir. Alors Antoine, ou plutôt Rasbow, s'est vu forcé de s'engager chez les Chanteurs à cause de sa voix et de son talent à la guitare. Finalement, l'accueil se fit avec un certain enthousiasme car il se sentit tout de suite utile à la communauté.
   En revanche, il savait qu'il fallait en passer par des sacrifices pour véhiculer leur cause. Il s'efforçait dans ce cadre de ne pas regarder ce qu'il se passait dans son dos.
   « On est là pour permettre au monde d'aller mieux grâce à la musique, mec. Et tu vas nous y aider ! Les gens ne comprennent pas que sans les Chanteurs le monde court directement à sa perte. » lui avait dit Champolion quand il l'avait engagé. Rasbow comprit immédiatement que sa vie n'était pas complètement foutue et qu'il y avait encore de l'espoir.
   Quand Rasbow avait émis l'idée de créer un groupe de rock, au lieu de faire jouer les gens individuellement à plusieurs, Champolion lui avait ri au nez.
   « Tu perds pas le nord, toi alors ! »
   Champolion ressemblait à un « roadie » tout droit sorti de son époque, avec ses cheveux longs et sa cigarette à la bouche, c'est pourquoi Rasbow s'était beaucoup attaché à lui. Directement, il lui avait présenté trois autres membres qui jouaient de la musique. Envy, Henric et Lucy s'étaient joint à lui parfois à contrecoeur. Jouant chacun d'un instrument, la guitare, la basse et la batterie, ils avaient enfin pu constituer le groupe de musique dont Rasbow rêvait.
   Bien sûr, la vie n'était pas toujours rose. Les vivres se faisaient rares et l'eau venait souvent à manquer. Mais l'avantage d'avoir besoin de sa voix faisait que Rasbow pouvait toujours boire de l'eau douce, de celle qui n'irritait pas la gorge. Ce n'était pas le cas de ses compagnons qui parfois jalousaient cet avantage. Champolion se portait garant de tout ce qu'il pouvait faire, empêchant de nombreuses personnes de s'en prendre à lui. Heureusement, Rasbow se sentait rarement seul car il était accompagné de plusieurs autres personnes qui gardaient leur voix intacte et qui chantaient. Il avait été plutôt déçu de voir qu'aucun d'entre eux n'avait d'attirance particulière pour le rock, mais c'était le risque d'avoir des goûts musicaux hétéroclites dans un groupe. Comme il était quelqu'un de sympathique, il ne s'en offusqua pas.
   Un jour, il s'était adressé à Champolion pour savoir pourquoi il était nécessaire de sacrifier des gens dans leur pèlerinage. Celui-ci avait affiché un visage grave ; il avait posé la main sur son épaule et lui avait parlé comme un père parle à son fils.
   « Rasbow... Il faut que tu comprennes que nous avons longtemps offusqué notre planète. Par nos actes, nos guerres, notre comportement. Il a fallu pour que nous ouvrions les yeux qu'elle se venge et qu'elle nous retombe dessus. Mais à présent, nous sommes conscients de nos erreurs passées, et nous devons l'apaiser par tous les moyens dont nous disposons. C'est pourquoi nous utilisons la musique pour adoucir les mœurs, et que nous sacrifions des gens pour calmer la planète. »
Puis il avait posé la main au niveau du cœur avec compassion.
   « Ces gens ne sont pas morts en vain. Elles nous aident à accomplir notre mission. Et si nous ne le faisons pas, personne ne le fera. Tu comprends ? »
   Rasbow avait bu ses paroles comme du petit lait. Ses yeux brillaient lorsqu'il écoutait Champolion lui parlait avec toute la sagesse du monde. C'était un véritable émerveillement pour lui. Il était encore jeune quand il avait rencontré les Chanteurs. Il se sentait donc le besoin de se raccrocher à un mentor, pour résister à ce monde si dur à supporter. Qu'étaient donc quelques morts face à la survie du monde entier ?

jeudi 24 décembre 2015

Morgane et Arthur part5 - Enfin en vue



   Morgane et Arthur 5

 
   Morgane commençait à fatiguer. Ils avaient marché toute la journée sans interruption. Ils avaient fait des économies sur l'eau et sur la nourriture et les rares habitations qu'ils avaient pu apercevoir étaient des zones à risque. Arthur préférait de loin trouver une grande ville pour pouvoir se cacher dans la masse d'immeubles et de ruines. Morgane n'osait évidemment pas se plaindre, et elle avait à cœur de trouver un lieu où ils pourraient se poser pour quelque temps. Mais contrairement à Arthur, elle n'était pas très endurante. De plus, elle prenait sur elle la faute de s'être fait agressée près de la rivière. Elle n'aurait pas dû relâcher sa garde et se baigner seule, alors qu'ils étaient loin d'être en sécurité. Evidemment, Arthur en prenait également la responsabilité.
    Alors qu'elle songeait à l'interpeler, Arthur s'arrêta, les jumelles sur le nez.
    « J'ai quelque chose ! S'écria-t-il. »
    Le visage de Morgane s'éclaircit et elle forma des ronds avec ses mains pour regarder dans la direction avec la même précision. Elle ne voyait rien, avant qu'Arthur ne se place derrière elle pour mettre ses jumelles devant elle en lui indiquant la direction. A quelques kilomètres de là, derrière une colline, se dressaient des barres d'immeuble accompagnés d'un parterre de maisonnées toutes semblables les unes aux autres vu d'ici. Néanmoins, Morgane aperçut un élément plus important encore.
    « C'est une rivière que je vois ?
    - C'est même un fleuve, répondit Arthur avec une voix enjouée. Et un fleuve nous conduit tout droit vers la mer ! »
    Morgane se tourna vers lui et décrocha un grand sourire de satisfaction. C'était sans doute la meilleure nouvelle qu'ils avaient eu depuis longtemps. Si mer il y avait, alors la sécurité allait suivre. Du moins, Arthur lui avait plus ou moins promis que les choses se passeraient mieux. Morgane savait très bien que jamais rien ne serait comme avant, mais ça pouvait difficilement être pire.
Ils dévalèrent tous deux la colline sur laquelle ils étaient, pressés de retrouver un domicile, en espérant que les Chanteurs ne les retrouveraient pas. A un moment donné, ils croisèrent une route, un de ces anciens chemins rigides sur lesquels roulaient des voitures à toute vitesse par dizaines. Normalement, ils évitaient la route comme la peste, puisque beaucoup de groupes de personnes possédant encore des objets mécaniques pouvaient l'emprunter. Arthur pressa Morgane de s'en éloigner le plus possible, bien qu'en restant à vue pour ne pas perdre le chemin. C'en était presque inquiétant de voir cette vaste plaine au milieu de laquelle passait la route, aussi désertique que le dessus d'un lac gelé, et peut-être aussi dangereux.
    « Arthur ?
    - Oui ?
    - J'aimerais bien qu'on ne rencontre personne cette fois...
    - Je sais.
    - J'aime pas quand on rencontre des gens. Tu te rappelles de Marie et Mika ? Ils avaient l'air sympa, mais ils étaient comme tout le monde. Pourtant, ils avaient adopté un chien sans poil moche...
    - Ils essayent de survivre, tout comme nous.
    - Mais pourquoi tous ceux qui essayent de survivre ne vivent pas tous ensemble ? On arriverait peut-être à s'y retrouver, et à vivre correctement. Il n'y aurait plus de combats, de violence.
    - … Imagine un groupe de Chanteurs à l'échelle de centaines de personnes. Il y aurait toujours autant de sacrifices et de brutalité, parce que quelques chefs se croiraient plus légitimement forts que d'autres. Mais cette fois, ce serait tout le monde qui pâtiraient de ce mode de gouvernement. On ne peut pas vivre de cette manière. »
    Un cri d'oiseau se fit entendre au lieu, comme la menace d'un faucon sur un animal de taille inférieure.
    « Arthur ?
    - ...oui ?
    - On ne se séparera jamais, hein ?
    - Non, jamais. On sera toujours ensemble. »
    Arthur s'exécuta en déposer un baiser rapide sur la tempe de Morgane.
    Tout à coup, un boucan du diable résonna dans la plaine, faisant écho depuis la vallée jusqu'à la ville. Arthur et Morgane se cachèrent dans un bosquet de plantes mortes qui gisait près d'eux. Une fois couchés au milieu des herbes folles, ils observèrent la scène qui se déroula devant leurs yeux.
Sur la route roulaient des véhicules qui ressemblaient à des gros 4x4 arrangés avec de multiples accessoires. Le bruit des moteurs étaient assourdissant, dénotant de modifications certainement faites pour augmenter la vitesse. En tout cas, ils s'entendaient à des kilomètres à la ronde, et ne prenaient aucune précaution pour être discrets. La fumée qui les suivait montait en diagonale derrière eux, projetant parfois des nuages noirs sûrement malodorants et extrêmement polluants.
    Ils étaient cinq, cinq véhicules chargés à bloc et débordants de personnes. Le plus étonnant restait les espèces de tuyaux accrochés à l'arrière. Ils s'alignaient pour former comme des flûtes de pan géantes. En réalité, ils semblaient plus proches de ces gigantesques instruments qui avaient été installés dans des églises : des orgues. Difficile de savoir si les groupes de gens les avaient installés là pour s'en servir en cours de route ou pour les transporter d'un endroit à l'autre. En tout cas, tout le monde pouvait entendre leur son épouvantable, des notes amplifiées, jouées par demi-douzaine sans aucune mesure. On aurait un requiem démoniaque voulant impressionner tous ceux qui se mettraient sur leur chemin, annonçant une vague de terreur.
    Arthur craignit le pire en voyant ce convoi. Ça ressemblait fortement à un groupe de Chanteurs fanatiques qui s'apprêtaient à mener des rituels musicaux accompagnés de sacrifices à la volée. Il aurait espéré qu'ils passent sans s'arrêter et qu'ils partent très loin d'ici. Malheureusement, ils se dirigeaient vers la ville, probablement pour se réapprovisionner et chercher des nouveaux candidats au suicide.
    Quant à Morgane, elle se blottit contre lui, les lèvres tremblantes.
    « On y va quand même malgré leur présence ? Demanda-t-elle par peur de connaître la réponse.
    - J'aurais aimé te dire non... Mais nous n'avons presque plus d'eau et de nourriture, et la pluie n'arrivera sans doute que dans trois ou quatre jours. »
    En se tournant vers elle, Arthur esquissa un triste sourire. Morgane hocha la tête et inspira profondément. Ils attendirent que le convoi s'éloigne avant de se remettre en route vers la ville dangereuse.

mercredi 23 décembre 2015

Morgane et Arthur part4 - Encore un



   Morgane et Arthur 4
  
  
   Pendant plusieurs jours, ils ont traversé des forêts et croisé des sentiers sans voir personne. La plupart du temps, Morgane et Arthur ne disaient mot. Ils se tenaient par la main et avançaient d'un bon pas, marchant inexorablement presque sans s'arrêter de la journée. Ils faisaient une ou deux pauses pour manger les restes de boîtes de conserve qu'ils avaient embarqué de la dernière ville et pour boire un peu d'eau de source. La nuit, ils stoppaient leur périple et cherchaient un endroit sûr pour dormir, soit dans un arbre, soit dans un endroit caché dans la végétation.
    La cheville d'Arthur le faisait encore grimacer, mais elle lui faisait globalement moins mal. Le premier jour, Morgane avait insisté pour qu'ils marchent lentement, afin qu'il se ménage. Comme elle le tenait par la main, ils devaient forcément avancer au même rythme. Arthur n'avait donc eu rien à dire. La nuit, il s'était surpris à avoir dormi comme une souche, ayant été fatigué par la douleur et l'effort soutenu pour ne pas forcer sur cette cheville. Cependant, il avait repris la surveillance dès la nuit suivante pour ne dormir que quelques heures.
    Par chance, ce matin-là, ils croisèrent une rivière d'eau pure. Arthur testait toujours la qualité de l'eau avant de la faire boire à Morgane. Ils purent remplir leur gourde et firent une pause exceptionnelle. Le lit était encore un peu profond, malgré la chaleur. Alors qu'Arthur faisait un tour des alentours pour surveiller et chercher une habitation, Morgane retira ses chaussures et trempa le pied dans l'eau. Elle était bonne, compte tenu de la température ambiante. Morgane se sentait sale et elle avait très envie de se baigner. Otant le reste de ses vêtements, le gilet, la tunique et le pantalon, ainsi que sa culotte, elle s'engagea dans la rivière. Elle ne sentit même pas la fraicheur qui l'envahit et qui la fit frissonner. L'eau était agréable au contact de sa peau et son corps se détendit complètement. La surface arrivait à son bassin, mais elle pouvait tout de même s'enfoncer plus loin et nager quelques brasses dans le coin où ils avaient déposé leurs affaires. Elle eut envie d'appeler Arthur, mais hausser la voix n'était pas une bonne idée en pleine nature.
    Quand elle en eut assez de profiter de la rivière, Morgane s'extirpa de l'eau pour atteindre la rive. Mais soudain, comme elle levait la tête, elle aperçut un inconnu. Un homme habillé de loques, la fixant, était débout au milieu de leurs affaires. Sa barbe mal rasée et son regard effacé trahissait sa fatigue. Ce devait
juste être un vagabond qui avait besoin des affaires qui trainaient au milieu d'une clairière. Morgane se cacha les seins, oubliant que ça ne servait pas à grand-chose étant donnée sa tenue. Ses cheveux dégoulinaient autour de son visage et son corps immobilisé. Elle n'osa pas bouger, ignorant si l'homme était armé et avec quoi, et s'il était potentiellement agressif. Celui-ci continua à la regarder, l'examinant, s'arrêtant sur ses parties intimes. Et là Morgane vit ce qu'il y avait dans son regard. Cet homme devait n'avoir pas vu de femme nue depuis très longtemps, et ça le déstabilisait.
Il fit un pas vers elle, suivi d'un mouvement de recul de Morgane qui prenait peur et hésitait quant à la conduite à tenir.
    « C'est nos affaires que vous voulez ? Bégaya-t-elle en essayant d'engager le dialogue. »
    L'homme ne répondit pas tout de suite. Il tourna la tête vers les sacs et les vêtements, puis revint vers elle.
    « Il y a un homme avec moi, continua Morgane, il est armé. »
    Elle prit conscience que ses paroles avaient peu de poids, vu qu'Arthur était quelque part dans la nature et qu'elle était seule et nue.
    « Pour l'instant, j'vois que toi, p't'iote, dit finalement l'homme, de sa voix rauque. »
    Il cracha par terre, s'essuyant la bouche et s'approcha encore d'elle. Morgane tenta un pas de plus en arrière, mais son pied atteignit l'eau. La surprise la fit tourner la tête et l'homme en profita pour s'avancer encore. Il la prit brusquement au bras et l'attira contre lui, alors qu'elle tira en arrière pour s'éloigner.
    « Allez, ça fait des années que j'ai pas baisé, souffla l'homme sur son visage. Je vais pas laisser échapper une fille comme ça, et j'ai aucune raison de t'faire du mal... »
    Morgane n'hésita pas et lui envoya un coup de son poing libre. L'homme fut surpris, mais il ne lâcha pas prise pour autant. Pendant ce moment de répit, Morgane en profita pour lui donner un coup de pied au niveau de son entrejambe, ce qui eut pour effet cette fois de le faire reculer en gémissant. Elle commença à s'éloigner à grandes enjambées, cherchant quelque chose qui pourrait faire office d'arme, puis trouva une grosse pierre gisant entre les brindilles asséchées. Le temps qu'elle se penche pour l'attraper, elle fut tirée en arrière lorsque l'homme l'attrapa par les cheveux. La douleur fut foudroyante. Elle tomba à genoux, agrippant la terre pour parvenir jusqu'au caillou, mais l'homme la tirait vers lui, lui arrachant quelques dizaines de cheveux au passage.
    « Viens-là salope, tu vas r'gretter c'que t'as fait ! »
    Il tira d'un coup, la plaquant dos contre lui. D'une main, il lâcha ses cheveux pour coincer son bras derrière elle, la faisant pousser un cri furtif. De l'autre, il empoigna un de ses seins et le serra douloureusement, son souffle projeté dans son oreille. Morgane prit son courage à deux mains malgré la douleur qui l'enveloppait, elle avança sa tête et la projeta violemment en arrière, sentant le choc contre le visage de son agresseur. Celui-ci la lâcha, hurlant à la mort, autant de colère que de douleur. Morgane se jeta sur la pierre, puis elle revint vers l'homme qui se tenait le nez en grognant. Il eut à peine le temps de se tourner vers elle qu'elle le frappa de toutes ses forces à la tête, l'envoyant au sol. Elle lâcha la pierre, recula, attendant qu'il se relève. Mais il ne se releva pas.
    « Morgane !! »
    Arthur arriva en courant, affolé. Arrivant dans la scène du crime, il prit Morgane dans ses bras en la serrant fort. Celle-ci ferma les yeux et oublia sa détresse. Le corps d'Arthur était chaud, elle aurait aimé ne jamais s'en éloigner. Tout ça était beaucoup trop rude.
    « Tu es sûre que ça va ? Poursuivit Arthur. Je suis tellement désolé... J'ai suivi un mec qui nous guettait, je ne pensais pas qu'il y en avait un autre... Je suis désolé ! »
    Il continua à parler tandis qu'il l'embrassait sur tout son visage, ne lui laissant pas le répit de répondre. Puis il s'arrêta brusquement et se retourna vers l'homme à terre qui ne bougeait plus. Morgane lui tint le bras.
    « Il est sûrement mort... Je crois que j'ai frappé fort. »
    Sans l'écouter, Arthur sortit un couteau de sa poche, il se pencha vers l'homme et sans attendre, lui trancha la gorge. Morgane le regarda tristement, gênée qu'il fut obligé de faire ça. Elle alla se rhabiller, pendant qu'Arthur nettoyait son couteau plein de sang. Après quoi, il poussa le corps jusque dans la rivière.
    Morgane frotta ses membres endoloris et remit ses cheveux en place, massant son cuir chevelu. Ce n'était pas la première fois que ses cheveux étaient un handicap pour elle. Pourtant, elle les aimait, et elle savait qu'Arthur les aimait également. C'était douloureux de s'en séparer. Arrivant auprès d'elle, Arthur la serra de nouveau contre lui. Il lui murmura des mots rassurants tout en caressant ses cheveux.
« Il faut qu'on s'en aille d'ici, dit-il en soupirant.
- Oui... Tu as raison. »