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Ceci est un blog-roman.
Si tu es perdu, je te conseille d'aller au premier chapitre du roman, qui est tout à la fin, ici.


jeudi 24 décembre 2015

Morgane et Arthur part5 - Enfin en vue



   Morgane et Arthur 5

 
   Morgane commençait à fatiguer. Ils avaient marché toute la journée sans interruption. Ils avaient fait des économies sur l'eau et sur la nourriture et les rares habitations qu'ils avaient pu apercevoir étaient des zones à risque. Arthur préférait de loin trouver une grande ville pour pouvoir se cacher dans la masse d'immeubles et de ruines. Morgane n'osait évidemment pas se plaindre, et elle avait à cœur de trouver un lieu où ils pourraient se poser pour quelque temps. Mais contrairement à Arthur, elle n'était pas très endurante. De plus, elle prenait sur elle la faute de s'être fait agressée près de la rivière. Elle n'aurait pas dû relâcher sa garde et se baigner seule, alors qu'ils étaient loin d'être en sécurité. Evidemment, Arthur en prenait également la responsabilité.
    Alors qu'elle songeait à l'interpeler, Arthur s'arrêta, les jumelles sur le nez.
    « J'ai quelque chose ! S'écria-t-il. »
    Le visage de Morgane s'éclaircit et elle forma des ronds avec ses mains pour regarder dans la direction avec la même précision. Elle ne voyait rien, avant qu'Arthur ne se place derrière elle pour mettre ses jumelles devant elle en lui indiquant la direction. A quelques kilomètres de là, derrière une colline, se dressaient des barres d'immeuble accompagnés d'un parterre de maisonnées toutes semblables les unes aux autres vu d'ici. Néanmoins, Morgane aperçut un élément plus important encore.
    « C'est une rivière que je vois ?
    - C'est même un fleuve, répondit Arthur avec une voix enjouée. Et un fleuve nous conduit tout droit vers la mer ! »
    Morgane se tourna vers lui et décrocha un grand sourire de satisfaction. C'était sans doute la meilleure nouvelle qu'ils avaient eu depuis longtemps. Si mer il y avait, alors la sécurité allait suivre. Du moins, Arthur lui avait plus ou moins promis que les choses se passeraient mieux. Morgane savait très bien que jamais rien ne serait comme avant, mais ça pouvait difficilement être pire.
Ils dévalèrent tous deux la colline sur laquelle ils étaient, pressés de retrouver un domicile, en espérant que les Chanteurs ne les retrouveraient pas. A un moment donné, ils croisèrent une route, un de ces anciens chemins rigides sur lesquels roulaient des voitures à toute vitesse par dizaines. Normalement, ils évitaient la route comme la peste, puisque beaucoup de groupes de personnes possédant encore des objets mécaniques pouvaient l'emprunter. Arthur pressa Morgane de s'en éloigner le plus possible, bien qu'en restant à vue pour ne pas perdre le chemin. C'en était presque inquiétant de voir cette vaste plaine au milieu de laquelle passait la route, aussi désertique que le dessus d'un lac gelé, et peut-être aussi dangereux.
    « Arthur ?
    - Oui ?
    - J'aimerais bien qu'on ne rencontre personne cette fois...
    - Je sais.
    - J'aime pas quand on rencontre des gens. Tu te rappelles de Marie et Mika ? Ils avaient l'air sympa, mais ils étaient comme tout le monde. Pourtant, ils avaient adopté un chien sans poil moche...
    - Ils essayent de survivre, tout comme nous.
    - Mais pourquoi tous ceux qui essayent de survivre ne vivent pas tous ensemble ? On arriverait peut-être à s'y retrouver, et à vivre correctement. Il n'y aurait plus de combats, de violence.
    - … Imagine un groupe de Chanteurs à l'échelle de centaines de personnes. Il y aurait toujours autant de sacrifices et de brutalité, parce que quelques chefs se croiraient plus légitimement forts que d'autres. Mais cette fois, ce serait tout le monde qui pâtiraient de ce mode de gouvernement. On ne peut pas vivre de cette manière. »
    Un cri d'oiseau se fit entendre au lieu, comme la menace d'un faucon sur un animal de taille inférieure.
    « Arthur ?
    - ...oui ?
    - On ne se séparera jamais, hein ?
    - Non, jamais. On sera toujours ensemble. »
    Arthur s'exécuta en déposer un baiser rapide sur la tempe de Morgane.
    Tout à coup, un boucan du diable résonna dans la plaine, faisant écho depuis la vallée jusqu'à la ville. Arthur et Morgane se cachèrent dans un bosquet de plantes mortes qui gisait près d'eux. Une fois couchés au milieu des herbes folles, ils observèrent la scène qui se déroula devant leurs yeux.
Sur la route roulaient des véhicules qui ressemblaient à des gros 4x4 arrangés avec de multiples accessoires. Le bruit des moteurs étaient assourdissant, dénotant de modifications certainement faites pour augmenter la vitesse. En tout cas, ils s'entendaient à des kilomètres à la ronde, et ne prenaient aucune précaution pour être discrets. La fumée qui les suivait montait en diagonale derrière eux, projetant parfois des nuages noirs sûrement malodorants et extrêmement polluants.
    Ils étaient cinq, cinq véhicules chargés à bloc et débordants de personnes. Le plus étonnant restait les espèces de tuyaux accrochés à l'arrière. Ils s'alignaient pour former comme des flûtes de pan géantes. En réalité, ils semblaient plus proches de ces gigantesques instruments qui avaient été installés dans des églises : des orgues. Difficile de savoir si les groupes de gens les avaient installés là pour s'en servir en cours de route ou pour les transporter d'un endroit à l'autre. En tout cas, tout le monde pouvait entendre leur son épouvantable, des notes amplifiées, jouées par demi-douzaine sans aucune mesure. On aurait un requiem démoniaque voulant impressionner tous ceux qui se mettraient sur leur chemin, annonçant une vague de terreur.
    Arthur craignit le pire en voyant ce convoi. Ça ressemblait fortement à un groupe de Chanteurs fanatiques qui s'apprêtaient à mener des rituels musicaux accompagnés de sacrifices à la volée. Il aurait espéré qu'ils passent sans s'arrêter et qu'ils partent très loin d'ici. Malheureusement, ils se dirigeaient vers la ville, probablement pour se réapprovisionner et chercher des nouveaux candidats au suicide.
    Quant à Morgane, elle se blottit contre lui, les lèvres tremblantes.
    « On y va quand même malgré leur présence ? Demanda-t-elle par peur de connaître la réponse.
    - J'aurais aimé te dire non... Mais nous n'avons presque plus d'eau et de nourriture, et la pluie n'arrivera sans doute que dans trois ou quatre jours. »
    En se tournant vers elle, Arthur esquissa un triste sourire. Morgane hocha la tête et inspira profondément. Ils attendirent que le convoi s'éloigne avant de se remettre en route vers la ville dangereuse.

mercredi 23 décembre 2015

Morgane et Arthur part4 - Encore un



   Morgane et Arthur 4
  
  
   Pendant plusieurs jours, ils ont traversé des forêts et croisé des sentiers sans voir personne. La plupart du temps, Morgane et Arthur ne disaient mot. Ils se tenaient par la main et avançaient d'un bon pas, marchant inexorablement presque sans s'arrêter de la journée. Ils faisaient une ou deux pauses pour manger les restes de boîtes de conserve qu'ils avaient embarqué de la dernière ville et pour boire un peu d'eau de source. La nuit, ils stoppaient leur périple et cherchaient un endroit sûr pour dormir, soit dans un arbre, soit dans un endroit caché dans la végétation.
    La cheville d'Arthur le faisait encore grimacer, mais elle lui faisait globalement moins mal. Le premier jour, Morgane avait insisté pour qu'ils marchent lentement, afin qu'il se ménage. Comme elle le tenait par la main, ils devaient forcément avancer au même rythme. Arthur n'avait donc eu rien à dire. La nuit, il s'était surpris à avoir dormi comme une souche, ayant été fatigué par la douleur et l'effort soutenu pour ne pas forcer sur cette cheville. Cependant, il avait repris la surveillance dès la nuit suivante pour ne dormir que quelques heures.
    Par chance, ce matin-là, ils croisèrent une rivière d'eau pure. Arthur testait toujours la qualité de l'eau avant de la faire boire à Morgane. Ils purent remplir leur gourde et firent une pause exceptionnelle. Le lit était encore un peu profond, malgré la chaleur. Alors qu'Arthur faisait un tour des alentours pour surveiller et chercher une habitation, Morgane retira ses chaussures et trempa le pied dans l'eau. Elle était bonne, compte tenu de la température ambiante. Morgane se sentait sale et elle avait très envie de se baigner. Otant le reste de ses vêtements, le gilet, la tunique et le pantalon, ainsi que sa culotte, elle s'engagea dans la rivière. Elle ne sentit même pas la fraicheur qui l'envahit et qui la fit frissonner. L'eau était agréable au contact de sa peau et son corps se détendit complètement. La surface arrivait à son bassin, mais elle pouvait tout de même s'enfoncer plus loin et nager quelques brasses dans le coin où ils avaient déposé leurs affaires. Elle eut envie d'appeler Arthur, mais hausser la voix n'était pas une bonne idée en pleine nature.
    Quand elle en eut assez de profiter de la rivière, Morgane s'extirpa de l'eau pour atteindre la rive. Mais soudain, comme elle levait la tête, elle aperçut un inconnu. Un homme habillé de loques, la fixant, était débout au milieu de leurs affaires. Sa barbe mal rasée et son regard effacé trahissait sa fatigue. Ce devait
juste être un vagabond qui avait besoin des affaires qui trainaient au milieu d'une clairière. Morgane se cacha les seins, oubliant que ça ne servait pas à grand-chose étant donnée sa tenue. Ses cheveux dégoulinaient autour de son visage et son corps immobilisé. Elle n'osa pas bouger, ignorant si l'homme était armé et avec quoi, et s'il était potentiellement agressif. Celui-ci continua à la regarder, l'examinant, s'arrêtant sur ses parties intimes. Et là Morgane vit ce qu'il y avait dans son regard. Cet homme devait n'avoir pas vu de femme nue depuis très longtemps, et ça le déstabilisait.
Il fit un pas vers elle, suivi d'un mouvement de recul de Morgane qui prenait peur et hésitait quant à la conduite à tenir.
    « C'est nos affaires que vous voulez ? Bégaya-t-elle en essayant d'engager le dialogue. »
    L'homme ne répondit pas tout de suite. Il tourna la tête vers les sacs et les vêtements, puis revint vers elle.
    « Il y a un homme avec moi, continua Morgane, il est armé. »
    Elle prit conscience que ses paroles avaient peu de poids, vu qu'Arthur était quelque part dans la nature et qu'elle était seule et nue.
    « Pour l'instant, j'vois que toi, p't'iote, dit finalement l'homme, de sa voix rauque. »
    Il cracha par terre, s'essuyant la bouche et s'approcha encore d'elle. Morgane tenta un pas de plus en arrière, mais son pied atteignit l'eau. La surprise la fit tourner la tête et l'homme en profita pour s'avancer encore. Il la prit brusquement au bras et l'attira contre lui, alors qu'elle tira en arrière pour s'éloigner.
    « Allez, ça fait des années que j'ai pas baisé, souffla l'homme sur son visage. Je vais pas laisser échapper une fille comme ça, et j'ai aucune raison de t'faire du mal... »
    Morgane n'hésita pas et lui envoya un coup de son poing libre. L'homme fut surpris, mais il ne lâcha pas prise pour autant. Pendant ce moment de répit, Morgane en profita pour lui donner un coup de pied au niveau de son entrejambe, ce qui eut pour effet cette fois de le faire reculer en gémissant. Elle commença à s'éloigner à grandes enjambées, cherchant quelque chose qui pourrait faire office d'arme, puis trouva une grosse pierre gisant entre les brindilles asséchées. Le temps qu'elle se penche pour l'attraper, elle fut tirée en arrière lorsque l'homme l'attrapa par les cheveux. La douleur fut foudroyante. Elle tomba à genoux, agrippant la terre pour parvenir jusqu'au caillou, mais l'homme la tirait vers lui, lui arrachant quelques dizaines de cheveux au passage.
    « Viens-là salope, tu vas r'gretter c'que t'as fait ! »
    Il tira d'un coup, la plaquant dos contre lui. D'une main, il lâcha ses cheveux pour coincer son bras derrière elle, la faisant pousser un cri furtif. De l'autre, il empoigna un de ses seins et le serra douloureusement, son souffle projeté dans son oreille. Morgane prit son courage à deux mains malgré la douleur qui l'enveloppait, elle avança sa tête et la projeta violemment en arrière, sentant le choc contre le visage de son agresseur. Celui-ci la lâcha, hurlant à la mort, autant de colère que de douleur. Morgane se jeta sur la pierre, puis elle revint vers l'homme qui se tenait le nez en grognant. Il eut à peine le temps de se tourner vers elle qu'elle le frappa de toutes ses forces à la tête, l'envoyant au sol. Elle lâcha la pierre, recula, attendant qu'il se relève. Mais il ne se releva pas.
    « Morgane !! »
    Arthur arriva en courant, affolé. Arrivant dans la scène du crime, il prit Morgane dans ses bras en la serrant fort. Celle-ci ferma les yeux et oublia sa détresse. Le corps d'Arthur était chaud, elle aurait aimé ne jamais s'en éloigner. Tout ça était beaucoup trop rude.
    « Tu es sûre que ça va ? Poursuivit Arthur. Je suis tellement désolé... J'ai suivi un mec qui nous guettait, je ne pensais pas qu'il y en avait un autre... Je suis désolé ! »
    Il continua à parler tandis qu'il l'embrassait sur tout son visage, ne lui laissant pas le répit de répondre. Puis il s'arrêta brusquement et se retourna vers l'homme à terre qui ne bougeait plus. Morgane lui tint le bras.
    « Il est sûrement mort... Je crois que j'ai frappé fort. »
    Sans l'écouter, Arthur sortit un couteau de sa poche, il se pencha vers l'homme et sans attendre, lui trancha la gorge. Morgane le regarda tristement, gênée qu'il fut obligé de faire ça. Elle alla se rhabiller, pendant qu'Arthur nettoyait son couteau plein de sang. Après quoi, il poussa le corps jusque dans la rivière.
    Morgane frotta ses membres endoloris et remit ses cheveux en place, massant son cuir chevelu. Ce n'était pas la première fois que ses cheveux étaient un handicap pour elle. Pourtant, elle les aimait, et elle savait qu'Arthur les aimait également. C'était douloureux de s'en séparer. Arrivant auprès d'elle, Arthur la serra de nouveau contre lui. Il lui murmura des mots rassurants tout en caressant ses cheveux.
« Il faut qu'on s'en aille d'ici, dit-il en soupirant.
- Oui... Tu as raison. »

dimanche 13 décembre 2015

Chroniques du Dr Tercouëh - 8 décembre 2183



   Chroniques du Dr Tercouëh - 8 décembre 2183


   Je suis allé une seule fois dans l'autre monde, et ce que j'y ai vu m'a désespéré. Nous pensions que notre monde était touché par la faille créée à cause de la collision des deux mondes. Ce n'était rien à côté de ce que les autres ont vécu.
   J'y ai vu un monde dévasté par une force qui le dépassait, comme si l'univers entier avait décidé de cesser de fonctionner et que le chaos se propageait dans chaque fibre qui soutenait le monde. D'après les paysages que j'ai contemplé, je dirais que plusieurs catastrophes naturelles se sont enchaînées, et s'enchaînaient toujours en continu. Les océans ont apporté des raz-de-marée, poussant les gens à abandonner les habitations côtières pour se réfugier dans les terres. Le sol est devenu instable, sujet aux tremblements de terre, rendant caduque la solidité des bâtiments dont nous étions si fiers. La nature s'est mise à périr, comme ça, raréfiant les plantes. L'atmosphère a été modifiée, craquelée, créant un climat de chaleur perpétuel. Lorsqu'en de rares occasions, il ne faisait pas chaud, il pleuvait des cordes, rendant impossible la visibilité extérieure. Mais ces moments-là étaient bénis, car l'eau de pluie était encore potable. En revanche, l'eau courante utilisée dans les canalisations, bien qu'elle continuait à arriver dans les maisons, était devenue irritante, agressant la gorge et blessant les cordes vocales.
   Bien sûr, l'énergie qu'ils employaient couramment, ce qu'ils appelaient « électricité » (une énergie que nous avions autrefois, mais qui a été rapidement remplacée par l'éther et par l'énergie psychique), a cessé de fonctionner, car les relais ont été détruits pour la plupart. Il peut arriver cependant qu'on trouve des batteries chargées en énergie encore fonctionnelles pour faire marcher certains objets. A cause de ça, la vie leur est devenue plus rude, la nourriture plus difficile à conserver et la chaleur plus rare à trouver.
   Quand aux habitants de ce monde, j'en ai rencontré quelques uns.
   Certains vivaient en communauté, en espérant survivre grâce à l'avantage du plus grand nombre, mais il y en avait qui erraient, seuls face à eux-mêmes et faisant difficilement confiance à autrui. Et c'est compréhensible ! Il existait des groupes de fanatiques. Ceux-ci n'hésitaient pas à brutaliser les gens, à les réduire en esclavage, ou à les tuer comme des barbares. Le plus étrange, c'est que j'ai pu rencontré certains de ces fanatiques, ceux qui vouaient un culte à de la musique. Pour eux, la musique peut influencer sur les cordes de l'univers, car en émettant des vibrations, on pourrait modifier l'espace temps. Je dois avouer que ces réflexions m'ont laissé perplexe, et pourtant ils n'avaient peut-être pas tord. Les autochtones les appelaient les Chanteurs, et ils les craignaient car ils employaient des méthodes aussi barbares que d'autres groupes. Simplement, ils kidnappaient et engageaient des personnes dont la voix était belle et non modifiée par les eaux croupies. Je crois avoir entendu qu'ils chantaient et procédaient à des sacrifices, mais je ne pense pas qu'ils aient pu parvenir à un quelconque résultat.

Morgane et Arthur part3 - En-dessous de la voûte



   Morgane et Arthur 3


    Même la nuit, on pouvait voir ces aurores boréales s'illuminer dans le ciel bleu marine. Elles étaient comme une épée de Damoclès au dessus de nos têtes. On savait que c'était mauvais, que ça provenait de catastrophes surnaturelles, que ça avait des conséquences sur la planète et sur tous ceux qui y habitaient. Et pourtant, elles restaient belles, transcendantales, comme des bijoux collés sur la voûte céleste.
    Cachés dans un arbre, Morgane et Arthur regardaient le ciel à travers le feuillage. Ils avaient longtemps couru avant de s'arrêter et de s'installer à un endroit. Ils avaient eu la chance de tomber sur un de ces arbres géants. Ces arbres s'étaient plus ou moins adaptés à ce nouveau monde. Contrairement à beaucoup d'autres qui se mourraient et dont il ne restait qu'un squelette sec, ceux-là avaient muté et avaient grossi pour survivre à ce climat rude. La conséquence indirecte fut que ces arbres, pompant un peu plus d'énergie autour d'eux, brimaient les autres arbres qui les entouraient. Ces arbres géants se retrouvaient alors seuls autour de cadavres d'ancienne végétation. Certaines personnes avaient même fini par vouer un culte à ces entités tellement leur présence et leur solution en imposait.
    « Il faut que tu te reposes, dit Morgane à voix basse. Tu ne peux pas continuer à courir comme ça. »
    Arthur avait beau avoir fait son possible pour cacher son entorse, la distance de course qu'ils avaient parcouru avait accentué la douleur. Il souffrait et il avait eu beaucoup de mal à grimper à l'arbre, surtout dans l'obscurité.
    « Normalement, on n'aura plus à courir demain, lui répondit-il en caressant sa tête. Je pense qu'on les a semés.
    - C'est pas la question, répliqua Morgane en lui donnait sans vergogne un coup de coude. Je peux pas te laisser comme ça. Avec le pansement, ça va s'arranger, mais il faut pas que tu bouges. »
    Leur sac contenait entre autre une maigre trousse à pharmacie avec des bandages. Morgane avait pris le temps de masser puis d'enrouler la bande autour de la cheville d'Arthur. Celui-ci avait beaucoup protesté qu'il n'en avait pas besoin, mais malgré son autorité, Morgane était têtue comme une mule quand il s'agissait de s'en occuper. Parfois, elle se sentait excédée de voir qu'il prenait soin d'elle constamment sans rien accepter en retour. Elle aimait se comporter comme une enfant, mais n'acceptait pas d'être la seule qui avait besoin d'aide.
    « Je ne bougerai pas de la nuit en tout cas, sourit Arthur.
    - Et je t'interdis de rester réveillé ! Lui dit Morgane en retour. »
    De toute façon, Arthur était tellement fatigué qu'il sentait qu'il n'allait pas pouvoir garder les yeux ouverts. Il avait du mal à se laisser aller, mais s'il se retrouvait trop épuisé, il ne pourrait plus s'occuper de Morgane.
    Enlacés au milieu des branches gigantesques de l'arbre géant, ils continuèrent à regarder les étoiles. Morgane était sereine ; elle était complètement blottie contre Arthur, enveloppée par la chaleur de son corps. A ce moment-là, elle se sentait en sécurité et totalement apaisée. Elle percevait les battements de son cœur à travers sa main posée sur son torse et elle respirait son odeur qui s'imprégnait dans ses vêtements. C'était pour ces moments-là qu'elle avait envie de continuer à vivre. Pourtant, ce n'était pas gagné lorsque ce monde commença à se désagréger. Elle chassait constamment de son esprit les souvenirs de son errance sur les chemins, poursuivie par des gens qui lui voulaient du mal, préférant n'y voir qu'un passé obscur qui a cessé d'exister lorsqu'elle a rencontré Arthur. Au début, il n'était qu'un jeune homme avide de savoir, mais d'une générosité sans pareille. Il a rapidement pris Morgane sous son aile, se hissant à la maturité d'un homme de ses maigres bras. Depuis, ils ne se sont jamais quittés, liés qu'ils étaient par des liens plus forts que tout ce qui existait.
    « Arthur ?
    - Oui ?
    - Tu crois qu'on atteindra la mer un jour ?
    - J'en suis sûre. On est encore loin, mais on y arrivera.
    - Et on restera là-bas pour toujours ?
    - C'est un bon endroit où vivre je pense. La plupart des gens ne s'approchent pas de la mer, ils la craignent. Et ils ont raison, elle est dangereuse et imprévisible à présent.
    - On sera en sécurité alors ?
    - Oui, on le sera. Je te le promets. »
    Arthur baissa la tête vers le visage de Morgane. Il entoura sa joue de sa main délicatement, décalant les cheveux de son visage, puis se pencha pour déposer un baiser sur sa bouche. Morgane resserra sa main sur son t-shirt, fermant les yeux pour clore de son esprit tout ce qui les entourait. Le monde n'existait plus, ni le bruit du vent dans le feuillage, ni la lumière de la lune et celle des brèches de l'atmosphère, ni l'obscurité partielle de la nuit, ni l'écorce dure de l'arbre. Il n'y avait qu'eux.