Bienvenue nouveau visiteur !

Salut à toi, voyageur des internets !
Ceci est un blog-roman.
Si tu es perdu, je te conseille d'aller au premier chapitre du roman, qui est tout à la fin, ici.


lundi 28 septembre 2015

Josselin part7 - La course à l'espoir



   Josselin 7



   Des gouttes tombant du plafond. Un grondement sourd.
    Josselin se réveilla en sursaut, haletant comme s'il avait couru un marathon. Il se tint les bras, passa les mains sur son visage, se tapota les joues. Il n'avait rien. Tout allait bien. Il tenta de retrouver sa respiration en se massant le front. Tout cela n'avait donc été qu'un affreux cauchemar sorti d'outre-tombe, ou plutôt du fond de l'enfer. Autour de lui, il reconnaissait ce décor familier. Il était dans la salle principale du rez-de-chaussée, où il avait été quelques heures auparavant. Quoique... c'était il y a peut-être juste quelques minutes. Josselin ne se souvenait plus. Tout ce qu'il avait vécu devait forcément s'être produit, il n'avait pas rêvé. Pourtant, tout lui semblait confus, et il était là, en une seul morceau.
    « 
Il ne faut pas avoir peur comme ça, Monsieur Marchant. Personne n'aime en passer par là, mais il faut tôt ou tard. »
   
Josselin en tremblait encore. Il n'avait jamais rien vécu d'aussi épouvantable. En même temps, il passait son temps à se faire cette réflexion en ce moment. Ce docteur était un monstre ; il avait essayé de l'opérer, de le découper ou quelque chose dans le genre. Néanmoins, Josselin sentait qu'il n'avait rien, à part une légère migraine sur la gauche de sa tête. Il se palpait tout le corps pour vérifier, mais rien ne lui semblait différent.
   
Je vais pas me plaindre de rien avoir, mais quand même. J'ai dû rêvé...
   
Il était plus que temps de partir. Josselin n'avait plus rien à faire ici, il devait sauver le monde. Il ricana de sa propre pensée. Il n'avait pas le profil d'un super-héros, plutôt d'un cobaye envoyé là où personne ne voulait aller.
    L'hôpital était redevenu vide et silencieux, ce qui n'était pas plus rassurant. Josselin retourna là où il se souvenait avoir trouvé la porte d'entrée. Mais une nouvelle chose le frappa. Elle n'était plus là. Il n'y avait rien, rien qu'un mur nu et décrépi. Josselin se précipita devant celui-ci et frappa. Encore un tour de l'hôpital. Cet endroit changeait de forme à volonté. Quelles étaient les chances de sortir d'ici s'il n'y avait plus aucune sortie ?
    « Laissez-moi sortir d'ici !! »
    Crier n'allait sans doute amener à rien. Mais à un cas aussi désespéré, on tentait tout ce qu'on pouvait faire pour se sortir d'ici.
   
Crier va attirer les autres.
   
Josselin entendit une voix dans sa tête, et il la reconnaissait. C'était la voix de la petite fille. Il se retourna pour chercher son image. Elle était là, assis sur la première marche de l'escalier qui montait, les cheveux dégoulinant de part et d'autre de son visage, son ours en peluche dans ses bras. Il fit un pas vers elle, mais elle disparut aussitôt.
   
Tu ne m'attraperas pas !
    Elle lui parlait encore dans sa tête, mais bien sûr elle n'était pas réelle.
    « Et qu'est-ce que je dois faire pour sortir d'ici ! Hein ? Demanda-t-il à la fillette dans l'espoir fou qu'elle lui réponde. »
    Rien de plus que le silence qui régnait jusqu'ici.
    « Tu n'en sais rien ! Pas plus que moi ! J'en ai marre de tourner en rond comme un lapin en cage ! »
Il donna un coup de pied dans le mur, ce qui eut pour effet de lui asséner une douleur fulgurante sur le bout des doigts de pied. Mais il n'en avait cure, tant qu'il n'avait pas de solution.
   
Je te déconseille de les faire venir...
   
« J'en ai rien à faire ! Se mit à hurler Josselin, sous le coup de la colère. Qu'ils viennent, qu'est-ce que ça peut bien me foutre ?! Je suis dans un hôpital psy, j'ai été poursuivi par un truc bizarre, un docteur m'a peut-être charcuté ou pas, et je vois des fantômes partout ! Qu'est-ce qui peut bien m'arriver de PIRE ?!? »
   
Tant pis pour toi.
   
Josselin eut envie de lui répondre une nouvelle fois, mais un battement venu des profondeur l'en empêcha. Un autre se fit entendre, comme les battements d'un tambour gigantesque qui résonnerait dans les couloirs. Josselin déglutit. Il avait l'impression d'avoir vécu une scène similaire. Bientôt des hordes de monstres arriveraient et se jetteraient sur lui. Alors qu'il était tout seul. Il fallait qu'il s'enfuit, mais fuir où ? Les battements continuaient, de plus en plus rapprochés. Ils arrivaient du sous-sol.
   
Cours.
   
Josselin ne fit pas prier et il se précipita dans l'escalier qui montait à l'étage. C'est à ce moment qu'il perçut les cris, les piaillements qui retentissaient derrière lui. Il était poursuivi, et bientôt, il serait rattrapé par tout ce qui vit ici. Etait-il possible d'être aussi bête pour attirer à lui toutes les horreurs qu'il avait tenté de fuir ? Mais à quoi bon courir, si c'est pour atterrir à un cul de sac.
    L'escalier était plus grand que prévu, mais Josselin eut l'impression qu'il y faisait moins sombre. Pour l'instant, il ne menait nul part. Tout se ressemblait. Même les ombres étaient les mêmes, les ombres qui se mettaient à bouger et à entourer le couloir de marches. Josselin faillit trébucher, mais il se reprit rapidement. Il n'avait pas le droit de s'arrêter, ni même de se retourner. Quelque chose était  derrière lui, reniflant, soufflant, non loin.
   
Monte sur le toit.
   
« Mais je sais même pas comment on accède au toit ! Haleta Josselin sans s'arrêter. »
    Il était possible qu'en montant au dernier étage un escalier de secours démarre du sol pour aller au plafond et au-delà, permettant ainsi de sortir à l'air libre. Mais Josselin en doutait fortement. Si l'hôpital était capable de se transformer au gré de ses envies, ou de l'envie de ses occupants, il ne pourrait jamais sortir par une sortie prédéfinie.
    Ou peut-être l'hôpital obéissait-il à certaines règles.
   
C'est pas trop de le moment de se torturer l'esprit sur des hypothèses à dormir debout ! Rien n'est cohérent ici, je vois pas pourquoi il y aurait des règles.
   
Derrière lui, l'hôpital grondait. Josselin sentit les larmes de détresse couler sur ses joues. Il ressentait de la terreur, la terreur de se faire engloutir, de ne pas savoir ce qu'il adviendrait de soi si jamais la chose le rattrapait. Mourir était différent, quand on savait comment on décédait. Ça aurait été presque plus apaisant.
   
A droite.
   
Josselin ne réfléchit pas et, lorsque les escaliers atteignirent un palier menant à une nouvelle porte, il s'y engouffra, la faisant claquer derrière lui et continuant à courir. Il atterrit dans un long couloir, parsemé de fenêtres trop hautes laissant entrevoir toujours le même paysage, celui d'un ciel orangé couvert de sombres nuages. L'apocalypse était en marche. Des lits d'hôpital barraient le passage par dizaines. Ils n'étaient pas placés là par hasard et Josselin dut faire du entre-dedans pour arriver à avancer.
    Il n'osait toujours pas se retourner.
Dépêche-toi !
    « Je voudrais bien t'y voir ! »
    Au moment où il sauta par-dessus un des lits, quelque chose lui attrapa le pied, le forçant à tomber. Il hurla, s'accrochant à un pied de lit. Mais les roulettes du lit le faisaient glisser vers là où il ne voulait surtout pas être. Josselin donna des coups de son pied libre sur l'espèce de main qui le tenait. Il s'accrochait à tout ce qu'il pouvait pour arrêter de reculer. Un lit se coinça entre deux et il s'arrêta d'un coup sec. En reprenant ses esprits, il en profita pour écraser la main qui le lâcha avec un couinement de surprise, lui donnant l'occasion de se précipiter vers la sortie.
    Il y était presque, la porte était à deux doigts de lui, il pouvait la toucher. Et il fit l'erreur de se retourner.
    La créature était juste derrière lui, le regardant de ses yeux à moitié humains, le corps décomposé par la meurtrissure de la mort. Josselin fut glacé d'effroi.
    Un cri retentit et Josselin se reprit. C'était une voix humaine, un appel. Il passa la porte et découvrit l'échelle dont il rêvait. Au sommet de celle-ci, une main humaine au bout d'un bras s'engouffrait depuis une trappe qui devait mener à l'extérieur. Josselin ne se fit pas prier et grimpa aux barreaux.
    « Monsieur Marchant, vous ne m'échapperez pas si facilement ! »
    La voix du docteur retentit derrière lui, mais il savait qu'elle était maintenant très lointaine. Josselin avait dépassé les limites de la zone instable. Il sortait enfin.
    Arrivant au bout de l'échelle, il tendit la main et attrapa celui qui le sauvait de cet enfer.


    En s'extirpant de ce lieu, Josselin redécouvrit ce qu'on appelait l'extérieur. L'air lui soufflait sa fraicheur au visage, la lumière perçait à travers les nuages pour éblouir ses yeux habitués à l'obscurité, et tout avait la douceur de la liberté. La trappe menait directement sur le toit du bâtiment où il avait été enfermé si longtemps. C'était un toit pentu, mais assez peu pour pouvoir s'y raccrocher facilement. Il était fait complètement de pierre, du haut jusque dans les murs qui atteignaient une hauteur imposante.
    Josselin dut se tenir aux rebords de la trappe pour ne pas tomber. La sensation de liberté et le brusque retour à un espace considérable lui avait fait perdre l'équilibre, le faisant chanceler par le vertige qui lui monta à la tête. Lorsqu'il pu enfin voir ce qui l'entourait, il faillit défaillir une nouvelle fois.
    Il s'attendait à quelque chose, quelque chose qui aurait pu l'éclairer, le réconforter. Il espérait pouvoir sortir de cet enfer pour rejoindre un endroit accueillant. Mais ce qui s'étendait devant lui n'augurait rien de bon pour la suite. Un village tout ce qu'il y avait de plus rural se déployait autour du bâtiment. Composé à la fois de vieilles maisons et de nouvelles bâtisses, il avait dû y faire bon vivre, au temps où il était habité. A présent, il ne restait que le silence, à peine brisé par le vent et le chant des oiseaux qui se faisait le plus discret possible. Aucune animation de quelque sorte ne venait troubler l'ordre d'une ville déserte.
    Le cœur lourd, Josselin ne s'était jamais senti si démuni de sa vie. Alors il se tourna vers son sauveur, dont il avait seulement aperçu la main.
    Assis sur l'arête du toit, l'inconnu demeurait figé dans une pose dramatique et majestueuse. Pourtant, il n'avait rien d'un héros de films d'aventure. Paré de sa plus belle chemise à carreaux, dont le blanc était parsemé d'usure et dont le rouge délavé tirait ses dernière lueurs, l'homme portait seulement un vieux pantalon de jean et un t-shirt simple ayant vécu de meilleurs jours. Son visage arrondi était austère, renfermé et mal rasé, les yeux cachés par des lunettes dont le verre gauche avait souffert de plusieurs fissures. Il paraissait grand, mais pas très vieux.
A peine plus vieux que moi, se dit Josselin.
    Il se tourna vers lui, le perçant de ses yeux bleus.
    « Bienvenue dans le vrai monde, s'écria-t-il en forçant sur sa voix plutôt douce. Dans quelques temps, tu ne vas pas beaucoup me remercier de t'avoir tiré de là. »
    Josselin se redressa, osant alors lâcher prise et maîtriser la gravité. Il plissait encore des yeux sous l'effet de la lumière, mais répondit à l'homme.
    « Mais qui es-tu ? Et où sommes-nous au juste ? »
    La réponse lui étant sûrement négligeable, l'autre haussa les épaules.
    « Nous ne sommes plus chez nous. »
    Josselin n'eut pas le temps de répondre qu'il fut frôlé par quelque chose d'apparemment vivant et de volant. Lorsque la chose revint vers lui, il n'en crut pas ses yeux. Il avait tout l'air d'être un oiseau, mais à la place des ailes et de la tête, il y avait un crâne aux orbites vides, et des os qui le faisait planer sans peine. Ouvrant son bec grisâtre pour se manifester, une plainte croassante en sortit, malgré l'absence évidente de cordes vocales. Josselin eut réellement envie de pleurer. Il ne savait pas où il était, mais une chose était sûre : il n'était pas sorti de sa torpeur.



samedi 19 septembre 2015

Josselin part6 - le docteur



   Josselin 6
 

    Et si tout cet univers n'existait pas ? Et si tout se qui se passait n'était que chimères ?
    L'esprit de Josselin était emmêlé dans un enchevêtrement de fils barbelés coupants qui retenaient ses peurs, prêts à l'enfermer dans ses cauchemars. Plus il voyait d'horreurs, plus la folie le gagnait. Physiquement, tout allait bien pour lui. Il ne s'était jamais réellement mis en danger. Il n'avait pas besoin de ça pour vivre dans la crainte.
    L'ascenseur descendait depuis un bon moment. Il menait certainement jusqu'en enfer. Cela n'aurait nullement étonné Josselin de voir les portes s'ouvrir sur un océan de flammes survolé par des diablotins ricanants. Il aurait été attrapé par les bras et mené vers Sa Seigneurie Lucifer, pour enfin connaître les tourments éternels.
    C'est vraiment trop judéo-chrétien comme vision. L'enfer est ici même, dans cet hôpital. Même mourir brûlé serait une délivrance comparé à ce que je vis depuis mon arrivée.
   
La cabine s'immobilisa brusquement. Josselin fut projeté sur le sol, heurtant violemment ses fesses contre la plaque de fer. Plus un bruit ne venait s'introduire dans cet espace exigu, même pas les grincements de la machinerie. Josselin attendit patiemment que la porte s'ouvre, cloué à terre, n'osant pas se relever. Mais aucun mouvement. Il fallait faire quelque chose pour sortir d'ici. Josselin se redressa sur les genoux et s'approcha des battants. Il les toucha du bout des doigts, glissant sur la surface rude et écorchée, n'y exerçant aucune pression. Il déglutit.
    Soudain, la porte s'ouvrit avec fracas. Ce ne fut pas l'enfer qui attendait de l'autre côté, seulement une salle d'attente, décorée de manière aussi désuète que l'étage du bâtiment. Josselin jeta un regard furtif, puis entreprit de se lever. Dès qu'il posa les pieds sur le plancher de la pièce, une musique retentit. Une mélodie au piano qu'on aurait pu croire sortie d'une boîte à musique. Cet air lui dit quelque chose, mais il ne parvint jamais à placer un nom dessus.
    « Monsieur Marchant ? »
    Josselin sursauta au son de la voix qui venait de l'appeler. C'était une voix humaine, féminine. Il n'aurait pas cru l'entendre à nouveau un jour. Il fit quelque pas en direction du comptoir sur la gauche. Derrière celui-ci se tenait une femme habillée en infirmière. Avec la lumière, ses lunettes cachaient ses yeux, baissés sur les papiers qu'elle tenait. Josselin songea encore une fois à une ruse de l'hôpital. Cette femme ne pouvait pas être réelle, c'était impossible. Plus rien n'était vivant en ces lieux. D'ailleurs, l'intérieur de la pièce paraissait plus propre et neuf que le reste du bâtiment. Encore une illusion. Sur la droite, au-dessus de l'alignement de chaises, des affiches et des prospectus s'accrochaient aux panneaux de liège. Certains représentaient des têtes de personnes mises à prix. Mais les visages étaient flous, indistincts. C'était comme si l'ensemble avait été remis à neuf par un filtre photoshop mal fait.
    « Monsieur Marchant, le docteur vous attend. »
    L'infirmière s'était tournée vers Josselin et le regardait, même si ses yeux étaient toujours invisibles. L'interlocuteur se tourna vers elle, ne sachant pas quoi faire.
    « Le docteur ? Arriva-t-il à articuler.
    - Oui,
le docteur. Vous avez bien pris rendez-vous ? »
    Josselin eut du mal à se retenir de rire. Evidemment, avant de venir, il avait pris son téléphone et appelé le docteur pour prendre rendez-vous, car il était sûr de venir à cette heure
précise. Puis, il se reprit. Si l'infirmière le prenait mal, elle pourrait lui sauter au cou et le déchiqueter en un clin d'oeil. Personne n'était normal ici.
    « Ah, hum... oui, bien sûr. Je peux y aller ?
    - Je vous en prie. »
    L'infirmière replongea dans ses papiers sans lui prêter plus attention. Josselin avait essayé de lire sans succès l'étiquette collée sur sa poitrine, mais comme le reste du décor, elle restait floue. Quoique connaître le nom de son infirmière ne l'aurait pas aidé outre mesure.
    De l'autre côté du comptoir, une porte ouvrait sur le reste du cabinet. Sûrement là où l'attendait le docteur.
    Josselin hésita avant d'y entrer. Tout allait mal se passer, il le savait. Quelque chose attendait sa venue, là-bas dans les profondeurs. Cette chose ne pouvait pas être bienfaisante. Mais il n'y avait pas d'autre sortie, et l'ascenseur risquait de ne plus marcher.
   
Respire Josselin, c'est peut-être le seul moyen de sortir d'ici.
    Une grille bloquait la route. En poussant un peu, Josselin s'aperçut qu'elle s'ouvrait sans aucune difficulté. Une ampoule grésillait au plafond, renvoyant une lumière pâle dans le cabinet. Un homme de dos était affairé sur son plan de travail. Il ressemblait à un méchant dentiste, le genre de médecin qu'on n'a surtout pas envie de rencontrer et qui hante nos cauchemars d'enfant. Des bruits de roulette et d'instruments de torture se faisaient entendre. Josselin grimaça, l'estomac tordu par une frayeur indicible qui se développait en lui. Peut-être était-ce seulement la faim qui le grignotait petit à petit depuis ces dernières heures. Non. Cet homme lui donnait envie de fuir d'ici le plus loin possible. Comme tous les monstres qui habitaient l'hôpital d'ailleurs.
    En cognant son pied dans un manche de clé à molette, Josselin attira l'attention du docteur. Celui-ci se retourna et un grand sourire se dessina sur son visage. La grandeur de sa personne était compensée par son dos voûté et sa jambe métallique, remplaçant son membre gauche. Mais sa blouse blanche et ses rides d'expression ne trompaient pas. C'était un docteur diabolique, prêt à faire des expériences sur tous les sujets qu'il aurait sous la main.
    « Monsieur Marchant ? Je vous attendais... Installez-vous donc.
    - C'est-à-dire que... je ne suis pas malade vous savez. »
    Josselin ne bougeait pas. Il était hors de question qu'il s’assoit sur le lit d'hôpital qui se dressait devant lui. Il y avait des sangles et des menottes qui l'empêcherait de bouger. Il serait prisonnier.
Le docteur marchait avec difficulté jusqu'à ses étagères, triant ses outils avec précision.
    « Pas malade ? S'exclama-t-il à la surprise de Josselin. C'est moi le docteur. C'est à moi de décider si vous êtes malade ou non. Vous ne croyez pas ? »
    Évidemment, vu comme ça, c'était l'évidence même. Josselin se retourna et s'aperçut que la porte avait disparu. Il n'y avait rien qu'un mur qui surplombait cette face de la pièce.
    « Je suppose... Mais quand même...
    - Monsieur Marchant, je n'ai pas toute la journée. Installez-vous je vous prie ! »
    Le haussement de ton dans sa voix révélait son exaspération grandissante. Par une énergie du désespoir, Josselin se retint de paniquer et se dirigea vers le lit. Il ne pouvait pas s'asseoir, il ne
devait pas s'asseoir, mais c'était plus fort que lui. Quelque chose lui disait qu'il aurait des réponses en s'installant ici, pendant que son instinct lui disait de partir. Le brancard avait l'air relativement solide malgré son apparence. Josselin se mit sur la pointe des pieds pour poser son postérieur sur cette surface légèrement moelleuse et froide. Pendant ce temps-là, le docteur continuait son discours.
    « Il ne faut pas avoir peur comme ça, Monsieur Marchant. Personne n'aime en passer par là, mais il le faut tôt ou tard. Sinon vous vous réveillez un jour en vous rendant compte que rien ne va plus dans votre vie. Et alors... »
    Le docteur se retourna, une pince dont les bouts ressemblaient à des cuillères à la main, un rictus satisfait sur son visage.
    « C'est là qu'il faut tout changer ! »
    Josselin faillit hurler, et se précipita pour descendre du lit, quand le docteur l'attrapa violemment par l'épaule avec une vivacité étonnante. Sans qu'il n'ait pu rien faire, Josselin se retrouva attaché avec les sangles, suppliant le docteur de le laisser partir, laissant les larmes couler le long de ses joues.
    « Allons, allons, il ne faut pas se mettre dans des états pareils, reprit le docteur en tapotant l'aiguille d'une seringue tranquillement. Vous verrez, ça ne vous fera pas mal.
    - Mais qu'est-ce que vous me voulez à la fin !?! cria Josselin sur un ton hystérique. Vous allez me dire ce que je fiche ici ?!? »
    Le docteur fit une moue de désappointement, avant de se pencher sur son patient.
    « Enfin, Monsieur Marchant, vous êtes là pour nous poser des problèmes. Vous venez de l'extérieur et vous voulez nous empêcher de faire notre travail. Petit fouineur... »
    Alors il enfonça l'aiguille dans le cou de Josselin qui hurla à s'en éclater la gorge. Puis tout bruit cessa de se faire entendre. Le flou revint brouiller sa vision. Il perçut vaguement les outils s'entrechoquer au-dessus de lui, la pince du docteur s'affairer dans sa tête, la perceuse tourner devant ses yeux. Il ne comprenait pas ce qui se passait, mais il ne sentait également plus rien. Dans son esprit, il entendait cependant un rire. Le même rire que dans la chambre. La petite fille était assise sur l'établi du docteur. Depuis quand était-elle ici ? Josselin n'aurait su le dire. Ce fut comme si elle avait toujours été là...

    « Le projet Otherworld est un projet top secret. Il doit servir à empêcher l'autre monde d'agir sur celui-ci. Il doit servir à réparer la harpe qui entoure l'univers. Il doit servir à réparer la brèche. Des gens doivent être envoyés pour trouver une solution dans l'autre monde. L'autre monde aspire l'énergie de celui-ci, il faut l'en empêcher. Rapport du Docteur Tercouëh, le 4 mars... »


                                                                                           ***
                                          J'essaye de faire la suite pour samedi prochain maximum !

mardi 1 septembre 2015

Josselin part5 - La chute


   Josselin 5


    La morgue. Cet endroit devait se trouver au sous-sol. Josselin déglutit. Il revoyait déjà les souvenirs de tout ce qui lui était tombé dessus durant ces dernières heures. Ce n’était sans doute pas grand-chose face à ce qui l’attendait là en bas.
    Josselin errait encore quelque temps dans cet étage, appréhendant le moment où il devrait se décider. L’ignorance de la situation l’avait rendu inconscient face au danger. D’habitude, c’était plutôt l’inverse. L’imagination avait tendance à envenimer les choses, à rendre les objets plus effrayants qu’ils ne l’étaient. Les esprits de ce bâtiment jouaient là-dessus pour impressionner les
intrus. Sans parler de la présence de l’inhibiteur. Josselin maugréait encore du fait que le docteur Marsh ne l’ait pas prévenu des effets de l’objet. Par habitude, Josselin n’avait même plus fait attention à cette puce introduite dans sa nuque. Une grande partie de la population en possédait un. Néanmoins, il se pouvait qu’il avait un lien avec le problème Otherworld…
    Ce n’est pas tellement le moment de réfléchir à l’avenir de l’humanité. Je suis coincé ici en attendant de trouver une sortie… ou un bon pied de biche.
    Josselin aspira une grande bouffée d’air, puis retourna vers les escaliers. En passant devant le débarras dans lequel il s’était caché, Josselin tiqua. Il fut persuadé pendant un instant que la pièce avait rétréci. Mais c’était sans importance.
    L’escalier avait l’air encore plus effrayant vu d’en haut. Josselin y mit un premier pied avec une lenteur extrême, comme si un piège allait se déclencher. La marque gluante n’y était plus. Qu’une créature étrange traine dans les escaliers était une chose. Que toute trace de cette créature ait disparu était d’autant plus effrayant. Comme si ça n'avait été qu’un mauvais rêve.
    En même temps, tu es dans une zone instable mon vieux. Rien n’est vraiment réel.
    Il descendit alors les marches, l’esprit aux abois. L’escalier tournait et tournait indéfiniment. Josselin en avait de plus en plus assez d’être seul. Il avait envie de pleurer et d’abandonner son corps dans un coin en attendant son heure. Mais ce n’était pas le moment de craquer. Sinon à quoi auraient servi les tests du docteur Marsh ? D’ailleurs Josselin se dit qu’il ne pouvait plus vraiment faire confiance au docteur, ou boire ses paroles comme s’il ne lui avait dit que la vérité. Il était un cobaye, les tests ne servaient à rien d’autre que de lui faire croire qu’il allait sur Mars comme un astronaute accompli. Et même Otherworld ; est-ce que ce projet existait bel et bien ?
    Tout ça n’était pas clair. Mais il n’y aurait peut-être plus jamais d’occasion d’aller se plaindre aux scientifiques. Cette maison pouvait très bien se retrouver être son tombeau.
    Une fois la dernière marche enjambée, Josselin souffla. Il leva la tête pour apercevoir un immense escalier en colimaçon qui semblait monter jusqu’aux étoiles.
    Ouh, je crois que la fatigue me monte à la tête.
    En baissant la tête, il se heurta à une porte d’ascenseur. La présence d’un tel appareil était étrange compte tenu de la teneur des lieux, mais surtout il y avait déjà un escalier qui menait au sous-sol. A moins que celui-ci ne mène en réalité à un autre endroit.
    C’est pas trop le moment de le prendre la tête là-dessus, il faut y aller.
    Josselin appuya sur le bouton rouge sur le coté, puis un bruyant grondement sortit de sous ses pieds. La porte tremblait légèrement pendant que la plateforme de l’ascenseur s’élevait jusqu’à cet étage. Le transport avait quelque chose d’antique, alors que l’hôpital semblait récent. Josselin songea enfin à quelque chose qui le fit reculer d’un pas.
    Merde, et si un truc sort de l’ascenseur quand ça s’ouvre ? Je suis pas préparé à ça, je veux pas revoir l’autre créature débouler devant moi !! Je devrais remonter. Après tout, il n’y a sûrement rien à faire en bas…
    La porte s’ouvrit et Josselin sursauta avec un hoquet de frayeur. L’espace exigu était vide, bien que rempli de toiles d’araignée et de grumeaux de poussière entassés dans les coins. Josselin appuya son pied sur la plateforme mais il ne fut pas plus convaincu que ça de la solidité de l’ensemble. Et pour cause : il ressemblait à un monte-charge conçu pour des taches industrielles. La cabine était en métal grossier d’où sortaient des gros boulons de chantier et le sol était grumeleux et résonnait dès qu’on le frappait un peu fort. Par-dessus le marché, le tout tanguait au moment de s’y introduire. Finalement, Josselin aurait peut-être préféré une créature affreuse.
    Malgré tout, prenant son courage à deux mains, il entra tout entier dans la cabine, crispé et s’attendant à ce qu’elle lâche à tout moment. Il agrippa la manette encordé qui pendait du plafond juste au cas il devrait s’accrocher à quelque chose au moment de la descente. Comme rien ne bougeait, Josselin se pencha sur la colonne de boutons affichée à côté de la porte. Il y en avait plusieurs, tous de couleur rouge, sans aucune différence physique pouvant donner un indice sur leur utilité. Josselin se décida alors à pousser le premier. L’ascenseur enclencha une vive secousse, vibra légèrement puis entama sa descente. Jusque-là, il semblait bien marcher et ne poser aucun
problème, mais Josselin n’en ôta pas pour autant sa main de la manette.
    Au bout de quelques minutes à peine, la cabine s’immobilisa et la porte s’ouvrit bruyamment.
    Pour la discrétion, c’est raté.
    Le sol était fait de carrelage humide, détrempé. Les murs en pierre dégoulinaient de mousse et de moisissures et de la boue sortait des fissures béantes. Une puanteur visqueuse se dégageait de cet étage. A l’époque, on aurait pu le prendre pour des sanitaires collectifs, mais à présent personne d’assez sale ne voudrait se servir de ces pièces. Un couloir semblable à celui du premier étage continuait tout droit et offrait des bifurcations menant sans doute à des douches ou des vestiaires.
Josselin n’avait aucune envie de s’introduire plus avant. Il gardait la main devant sa bouche, le nez bouché, évitant de respirer les émanations environnantes. De plus, ça ne ressemblait pas à une morgue, donc inutile de s’attarder.
    Cependant, avant de se pencher à nouveau sur les boutons, Josselin se décala pour maintenir son regard sur une fissure qui s’étendait au-dessus d’une ouverture. Elle se distordait. Josselin ne trouvait pas d’autre mot à mettre sur ce qu’il voyait. La fissure s’étirait en se tordant dans tous les sens, comme si le temps était accéléré pendant qu’il faisait son office en abimant le mur. Écarquillant les yeux pour mieux voir, Josselin entrouvrit la bouche pour laisser échapper un gémissement de plainte. Tandis que la fissure devenait plus large et ouverte, une patte fine, noire et velue en sortait, puis une autre, et encore une autre, essayant de s’extirper du trou à mesure qu’il écartait les parois. Paniqué, Josselin appuya sur un bouton au hasard, le mitraillant pour qu’il réagisse le plus vite possible, alors que d’autres pattes apparaissaient dans son champ de vision. La porte consentit enfin à se refermer, laissant Josselin s’aplatir contre le mur du fond, tremblant de tous ses membres, essayant de maintenir son calme.
    Puis un choc ébranla la cabine, faisant cesser toute activité. Josselin prit une bouffée d’air et se décolla du mur pour appuyer à nouveau sur un bouton. L’ascenseur se remit en marche avec peine. Tout à coup, un second choc heurta la cabine, et celle-ci se mit à accélérer pour descendre de plus en plus vite. Josselin jura contre lui-même, sachant pertinemment que ça devait arriver. Il se tint à l’entrée de la cabine, pendant que son rythme cardiaque accéléra à l’idée qu’il allait tomber au sol et s’écraser lourdement. Il recommença à appuyer sur des boutons pour tenter d’avoir une quelconque réaction. C’était presque trop facile que ça lui arrive maintenant. Pourquoi les esprits de cet endroit l’avaient laissé survivre pour le faire mourir dans un vulgaire ascenseur ? C’était ridicule. Josselin avait beau essayé de se le mettre en tête, il était toujours en train de descendre à une vitesse phénoménale dans les tréfonds de l’enfer.



                                                                                      ***
  Plus que deux chapitres avant le dénouement ! La suite pas avant deux semaines, je vais être très occupée.