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lundi 31 août 2015

Chroniques du Dr Tercouëh - 27 novembre 2183


    Chroniques du Dr Tercouëh – 27 novembre 2183

    Je me souviens parfaitement de cette journée. Je crois que c’était en avril ; début avril. Il faisait frais, l’air s’adoucissait. J’étais venu voir un monstre de foire, une expérience inexplicable. Le docteur Mørl Byløne, un expert scandinave des troubles psychiques, m’avait invité à venir voir l’avancée de ses observations.
    C’était un ami que j’avais rencontré au cours d’un colloque en Allemagne. Surpris de la quantité d’alcool que certaines élites pouvaient ingurgiter, j’avais été ravi de constater qu’il en est toujours un pour vous emmener dans les toilettes les plus proches. Mørl était un sacré bout en train, un peu cynique, surement dû à sa nature nordique.
    Je fus convié à la clinique Ste Anne. Dès mon arrivée, j’ai tout de suite senti le froid qui traversait les infirmières à la seule mention du nom du patient et de son docteur. Mørl m’accueillit avec enthousiasme et me mena directement au jardin de la clinique, malgré mes nombreuses interrogations. Je compris immédiatement l’ampleur de la situation à sa vue.
    Elle s’appelait Lucie. Cette petite fille était française par adoption, sans plus d’informations sur ses parents biologiques. Elle était assise dans un fauteuil roulant, le regard dans le vide, la bouche entrouverte. Une infirmière se penchait sur elle pour essuyer un filet de bave qui coulait le long de son menton. Mørl congédia cette dernière et se baissa vers Lucie. Celle-ci sembla lever la tête en sa direction, pourtant son regard demeurait dans le vague. Après cet aparté, Mørl m’expliqua ce qu’il en était réellement.
    Il espérait prouver que Lucie était la première personne à avoir traversé le « voile ». A cet époque, on ne savait toujours pas très bien de quoi nous parlions. Le grand public même était totalement ignorant de l’énormité que découvraient les scientifiques. Lucie avait disparu de la surface de la Terre durant un mois entier, pour être finalement retrouvée dans un champ de Normandie, en France. Elle était déjà dans le même état : hébétée, le teint pâle, incapable de prononcer le moindre mot ou de transmettre la moindre émotion. L’expérience de la traversée l’avait changée en légume. Et elle ne possédait pas d’inhibiteur. Mørl soupçonnait que ce ne fut pas les fonctions cérébrales habituelles qui avaient été touchées, mais la mémoire à court terme. Visiblement, la mémoire avait été affectée par une onde de choc se répandant de plus en plus profondément. Au fur et à mesure, Lucie ne se rappelait plus qu’elle était un être humain, capable de penser et d’interagir avec le monde. Cette hypothèse devait expliquer son état.
    Je dois avouer avoir été assez sceptique. Mais la vision de cette fillette dans cet état m’émut. Mørl ne s’était pas pris d’affection pour elle, il n’y voyait qu’un sujet d’expérience. Je lui en ai toujours voulu d’être aussi pragmatique.

    Mørl fut le premier à me manquer. Il n’y avait que lui qui comprenait.


                                                                                        ***
                                                                         La suite demain soir !

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