Bienvenue nouveau visiteur !

Salut à toi, voyageur des internets !
Ceci est un blog-roman.
Si tu es perdu, je te conseille d'aller au premier chapitre du roman, qui est tout à la fin, ici.


jeudi 19 novembre 2015

Morgane et Arthur part2 - Au coin de la rue



  
Morgane et Arthur 2


    Le soleil commençait de percer la ligne d'horizon. Des couleurs flamboyantes venaient s'ajouter au spectacle silencieux du crépuscule. S'ajoutaient sur la toile du ciel des reflets verts et roses, comme si des aurores boréales s'introduisaient là où elles n'étaient jamais apparues. En réalité, ces modifications de la voûte céleste étaient des conséquences visuelles du changement de l'atmosphère. A cause de ça, un été presque éternel régnait sur le monde, entrecoupé de pluies diluviennes mortelles mais salutaires.
    Arthur se laissait aller à pointer ses jumelles sur ces vagues brillantes qui emplissaient le ciel. Il n'avait pas l'âme poète pourtant, il observait les modifications sur le climat, afin d'essayer de déterminer quand aurait lieu les prochaines précipitations. Il se reprit et braqua son objectif sur la ville. Toujours rien à l'horizon. Cependant, il n'était pas question de baisser sa garde et de se relâcher une seule seconde. Dans approximativement une heure, il n'y aurait plus assez de lumière pour distinguer quoi que ce soit. Il n'était pas permis d'allumer la moindre source lumineuse par crainte de se faire repérer. Mais si les Chanteurs se retrouvaient suffisamment nombreux, ils n'hésiteraient pas à se déplacer en force avec des torches. Dans ces cas-là, les repérer n'auraient plus d'importance.
Sur le canapé de la salle, emmitouflée dans des couvertures, dormait Morgane d'un sommeil profond. Arthur aurait voulu grappiller quelques minutes de sommeil, mais il ne pouvait pas encore se le permettre. Des longues cernes traversaient son visage comme des cicatrices provenant du manque de sommeil. Il s'y était habitué, mais la fatigue restait constante, comme un poids en plus sur ses épaules. Comme ce poids était relatif à la protection de Morgane, ce n'était pas important.
    Comme il retournait à son observation, il remit ses jumelles devant ses yeux. La grande rue qui partait de l'immeuble était déserte depuis longtemps. Des poubelles et des cadavres de voitures y résidaient comme si la rue leur avait toujours appartenu. Rien ne bougeait non plus du dessus de la forêt. Le feuillage des arbres tombait en lambeau comme les résidus d'une peau sèche, lentement, imperceptiblement. A une époque, ils étaient beaux, verts et fleurissants. A une époque lointaine et perdue.
    Soudain, Arthur crut percevoir un mouvement vers une maison. Ses sens étaient en alerte, quand il braqua les jumelles vers cet endroit. Il pria très fort pour que ce ne soit qu'une sensation, mais un mauvais pressentiment l'envahit. Ça ne pouvait être un hasard. La maison était vide et à moitié écroulée, du toit ne restait plus qu'un squelette sans tuiles. Le coin de verdure qui l'entourait peinait à garder quelques brins d'herbe sèche et malgré tout, la barrière tenait encore debout. Arthur ne quitta pas cet endroit du regard, certain qu'il devait s'y trouver quelque chose, ou bien quelqu'un. Il sursauta lorsqu'un lapin sortit de la poubelle tombée à terre. Respirant fortement, il essuya une gouttelette de sueur qui s'était introduit sur son visage tremblant. Il suivit négligemment le lapin du regard, celui-ci sautillait gaiement sur la route. Rien ne paraissait sortir de l'ordinaire, mis à part qu'il n'avait plus sa peau et qu'on voyait les muscles qui entouraient son corps. Arthur faillit le lâcher du regard quand le lapin fut projeté à terre par une pierre. Il se retrouva allongé, sans bouger, vraisemblablement mort ou presque. Arthur déglutit alors qu'il décala lentement son regard vers là où la pierre a été lancée. Un garçon, un adolescent, habillé d'un survêtement plutôt correct et armé d'un lance-pierre. Il avait le visage fermé et le regard dur de ceux qui survivent. Il s'approcha du lapin en prenant son temps et l'attrapa par les oreilles.
    Arthur ne perdit pas une minute de plus et se leva pour aller ranger précipitamment ses jumelles dans son sac à dos. Il secoua Morgane pour la réveiller.
    « Morgane, bouge-toi ! Il faut qu'on parte ! »
    Celle-ci ouvrit les yeux avec difficulté, mais sentant la précipitation dans sa voix, elle se redressa pour se lever.
    « Qu'est-ce qui se passe ? Geignit-elle avec inquiétude. On doit déjà s'en aller ?
    - Ils sont déjà là, répondit Arthur en récupérant ses affaires. Merde ! Je pensais qu'on avait encore un peu le temps, il va falloir qu'on trouve un meilleur endroit. »
    Morgane alla récupérer son sac et y engouffra deux boîtes de conserve qui étaient restées à vue, pendant qu'Arthur décalait le meuble qui bloquait la porte. Une fois leurs affaires récupérées, Arthur prit la main de Morgane et ils passèrent la porte d'entrée. L'atmosphère commençait à s'assombrir avec le crépuscule et Arthur pria pour qu'ils soient loin d'ici quand la nuit arriverait. La cage d'escalier était remplie d'objets aléatoires posés pour gêner l'arrivée de personnes venant d'en bas. Arthur savait précisément par où ils devaient passer, et il guida Morgane pour qu'elle suive ses pas à la lettre. Ils n'avaient pas vraiment besoin de parler s'ils pouvaient s'en passer. L'important était de rester discrets et coordonnés.
    A l'extérieur, on n'entendait pas âme qui vive. L'entrée se retrouvait dans une rue perpendiculaire à la rue principale, cachée par rapport à l'endroit où se trouvait le chasseur de lapin. Chaque côté de la rue était vide et sombre, car les barres d'immeubles cachaient le soleil. Arthur et Morgane se tenaient derrière la porte, observant l'arrivée du moindre mouvement. Arthur se pencha pour murmurer à l'oreille de Morgane.
    « On va vers la forêt. Ne lâche pas ma main. »
    Morgane hocha la tête et resserra sa prise. Sa main à lui était moite et froide, plutôt désagréable au toucher mais elle savait que, tant qu'elle sentirait cette sensation, tout se passerait bien.
    Au top départ, ils coururent se mettre à l'abri entre deux maisons. Ils faisaient très attention de ne voir personne à chacun de leur déplacement et courraient ainsi d'un endroit à un autre le plus rapidement possible. Normalement, ils s'éloignaient des autres, donc ils avaient une chance de partir discrètement sans qu'ils ne soient au courant. Malgré tout, Arthur était au-delà de la prudence. Il scrutait chaque détail du décor, chaque feuille de papier qui s'envolait dans un courant d'air, chaque ombre qui ressemblait à une silhouette. Morgane ne le ralentissait pas, au contraire elle était aux aguets là où lui ne pouvait regarder. Chacun portait son regard dans une direction afin de balayer le périmètre avec efficacité.
    Alors qu'ils s'apprêtaient à traverser une rue, Morgane retint brusquement Arthur et le plaqua au sol derrière la barrière d'une maison. Un bruit de pas heurtant le sol de goudron se faisait entendre non loin d'eux. Morgane bloqua sa respiration et Arthur se redressa contre la barrière, profitant d'une faille pour regarder à travers. Provenant d'un croisement prochain, trainant ses pieds avec nonchalance, marchait un homme de grande taille. Il tenait un bâton dans sa main, et ressemblait à un fermier relativement mal rasé. Bien qu'il soit voûté, il semblait prêt à bondir à tout instant. Arrivé à l'entrée de la rue, il regarda à droite à gauche, s'attendant à voir quelqu'un provenir de leur direction.
    « Arnaud ! S'écria une voix criarde et suraiguë. Tu fais quoi là ? Amène-toi !
    - J'ai cru entendre quelque chose, mama ! Répondit-il avec une voix rauque et grave.
    - Magne-toi, on n'a pas que ça à faire ! »
    Le dénommé Arnaud souffla bruyamment, il brandit son bâton pour le poser sur son épaule puis il fit demi-tour. Avant de repartir, il regarda à nouveau en direction de la cachette, mais il ne s'attarda pas dessus.
    Morgane tira sur le t-shirt d'Arthur pour lui parler dans l'oreille.
    « Il faut qu'on passe par le mur ! On pourra pas faire le tour avec eux ! »
    Arthur se pencha au-dessus de la barrière et regarda le mur en question. Cent mètres plus loin se dressait effectivement un mur en pierre qui devait bien faire plus de deux mètres. L'autre côté menait quasiment directement sur la forêt, ce qui permettrait de disparaître. Néanmoins, le lieu était bien à découvert, bloqué entre deux maison. S'ils passaient par là, ils devraient escalader rapidement sinon ils seraient dans une mauvaise passe. Pendant qu'Arthur réfléchissait, Morgane lui tira à nouveau le t-shirt, le regardant en fronçant les sourcils pour lui indiquer qu'ils devaient y aller maintenant.
S'attrapant la main, ils se précipitèrent jusqu'au croisement et se penchèrent pour vérifier qu'ils n'étaient plus là. La silhouette de l'homme était déjà loin ; normalement ils pouvaient arriver à leur but sans trop de peine. Mais Arthur se méfiait toujours. Voyant qu'il n'y avait aucun danger, ils coururent jusqu'au mur. Morgane mit un pied sur la fenêtre de la maison puis Arthur lui fit la courte-échelle pour qu'elle se hisse jusqu'au toit.
    A ce moment-là, ils entendirent un hurlement. Deux personnes du bout de la rue les pointaient du doigt et couraient vers eux. Affolée, Morgane tendit la main pour faire monter Arthur, qui peinait à grimper.
    « Passe le mur ! J'y arriverai bien sans toi.
    - Pas question ! Je te laisse pas tout seul ! »
   Morgane concentra tout ce qu'elle avait de force pour amener Arthur vers elle, quand ils entendirent un coup de feu.
    « Merde, ils ont des armes à feu, s'exclama Arthur entre ses dents. Vite Morgane ! »
    Celle-ci s'accrocha au mur pour l'enjamber, et sauter de l'autre côté. Arthur regarda derrière lui pour mesurer la distance qu'il y avait entre lui et eux, mais il perdait du temps et une autre balle vint se loger près de son oreille. Il bascula de l'autre côté et sentit douloureusement sa cheville quand il atterrit. Morgane attrapa sa main et ils reprirent leur course en s'engouffrant entre les arbres, pendant qu'Arthur serrait les dents pour oublier la douleur.

mercredi 11 novembre 2015

Morgane et Arthur part1 - La maison


 
   Morgane et Arthur 1


   Mâchonnant sans conviction sa bouchée, Morgane fit une grimace d'écoeurement. Elle reposa sa fourchette sur le bord de l'assiette, à l'endroit où démarrait une épaisse fêlure. Les haricots trempaient avec tristesse dans la sauce blanche, entourant une maigre saucisse pâle, esseulée au milieu du plat. Quand elle eut avalé ce qui macérait dans sa bouche, Morgane leva les yeux au ciel pour marquer son dégoût. Elle posa ses coudes sur la table, une pauvre planche dont les bords s'effritaient, et ignora le regard sévère de la personne assise en face d'elle.
   « C'est tout ce qu'on a, tu sais. »
   Morgane pencha la tête sur le côté et soupira, laissant ses longs cheveux noirs tomber en flot sur la table.
   « C'est immonde. Je déteste ces plats en boîte... Arthur, comment est-ce que tu veux continuer à me faire manger ça ? »
   Continuant inlassablement à porter sa fourchette à sa bouche sans laisser paraître aucune appréciation, Arthur ne répondit pas tout de suite. Morgane repoussa son assiette et s'écarta de la table en faisant bruyamment racler sa chaise sur le parquet. Elle fut interrompue par la violence du poing cogné sur la table.
   « Mange ce que tu as dans ton assiette et ne discute pas. »
   Morgane allait ouvrir la bouche pour répliquer, mais elle se ravisa et se rapprocha du plat qui la faisait fuir. La main hésitante, elle attrapa sa fourchette, glissant sur le manche, et la trempa dans le liquide blanc qui stagnait, telles les eaux d'un marécage. Lorsque trois haricots montèrent sur les dents, elle les souleva pour les amener jusqu'à l'antre de sa digestion. Morgane cessa sa comédie au bout de la deuxième bouchée et elle termina son assiette sans sourciller.
   Quand elle leva les yeux pour indiquer qu'elle avait fini, Arthur avait croisé les bras contre lui et la regardait. Son coeur fondit de plonger dans son regard attendrissant et elle oublia cet arrière-goût de couenne de mauvaise qualité. Elle amena sa main sur la table en direction d'Arthur, pour que celui-ci puisse poser la sienne par-dessus, tendrement. Cette main était toujours glacée, malgré la chaleur qui se dégageait de son corps. Morgane aurait préféré se blottir contre lui, mais le seul contact de sa main suffisait à la rassurer.
   « Qu'est-ce qu'on va faire maintenant ? Demanda-t-elle.
   - On peut rester ici encore quelques jours, mais pas plus. Sinon les Chanteurs nous retrouveront. »
   Morgane baissa la tête, l'air inquiet, essayant d'oublier cette réalité.
   « En attendant, tu peux lire ! S'exclama Arthur. Il y a beaucoup de livres dans la bibliothèque, notamment des contes. »
   Il voyait bien que Morgane s'efforçait de sourire pour lui faire plaisir. Elle quitta sa chaise pour se diriger vers le salon. Pendant ce temps, Arthur empila les assiettes ainsi que les couverts pour les poser dans l'évier en mauvais état. Il tourna le robinet, d'où un léger filet d'eau sorti. Avec le peu d'eau qu'il y avait, il lava la vaisselle, puis la déposer sur le côté.
   Ça faisait déjà cinq jours qu'ils s'étaient installés dans cette maison, et ils ne pouvaient se permettre d'y rester trop longtemps. Une semaine était environ le temps qu'il fallait aux Chanteurs pour chasser les gens et les tuer, ou les garder dans l'espoir d'en faire l'un des leurs. Arthur savait qu'ils convoitaient Morgane, car elle était une femme et elle avait la voix pure. Elle n'avait jamais bu l'eau des égouts, cette eau polluée et calcaire qui rendait la gorge râpeuse et douloureuse. Ceux qui ne trouvaient pas suffisant d'eau douce finissaient par avoir la même voix que s'ils fumaient dix paquets de cigarettes par jour. Ceux-là, les Chanteurs n'en avaient cure, bien qu'ils gardaient parfois les femmes pour procréer. C'est pourquoi Arthur faisait tout pour protéger Morgane de ces créatures. Chaque jour à l'aube et au crépuscule, il scrutait la ville par la fenêtre avec ses jumelles. Il décortiquait tous les morceaux de rue qu'il pouvait voir, toutes les fenêtres des maisons, tous les terrains détruits. Fonctionner comme ça leur a toujours épargné de gros problèmes. Bien sûr, il est arrivé qu'ils se fourrent dans des guêpiers plus d'une fois. Mais Arthur en gardait suffisamment un mauvais souvenir pour qu'il ne se permette plus de refaire la moindre erreur.
   « Arthur ! Tu viens ? »
   Essuyant ses mains sur son pantalon, Arthur alla dans le salon pour répondre à l'appel de Morgane. Elle était à genoux par terre, au pied d'une étagère où la majorité des livres étaient tombés. Se mordillant la lèvre, elle tenait dans ses mains un ouvrage assez léger à la couverture bleue. Lorsqu'Arthur entra dans la pièce, elle se tourna vers lui, les yeux brillants d'excitation.
   « Tu restes avec moi ? Demanda-t-elle avec une petite voix suppliante. »
   Décidément, Arthur ne pouvait rien lui refuser. Et puis, il n'avait rien à faire jusqu'au soir. Il tira vers la fenêtre un vieux fauteuil de grande taille, au dossier arrondi. Comme il était rempli de poussière, Arthur le frappa à plusieurs reprises, lâchant des nuages gris à travers la pièce. Morgane mit sa main devant sa bouche en toussant, puis elle ouvrit la fenêtre quelques secondes pour faire sortir la saleté. Une fois l'air à nouveau respirable et la fenêtre refermée, Arthur s'assit bien au fond du fauteuil et Morgane se précipita contre lui, entre ses jambes. Il referma ses bras autour d'elle pendant qu'elle ouvrait le livre pour le lire. Elle avait trouvé Alice au pays des merveilles, un roman classique qui datant d'un peu plus de 200 ans. Ça n'étonnait guère Arthur qu'elle veuille se perdre dans de telles fictions où les lois du monde tel qu'on le connaissait n'avaient pas prise.


                                   
                                                 ***

   Bonjour à tous, et désolé d'avoir mis autant de temps à reprendre ! Mais ne vous inquiétez pas, cette histoire est loin d'être terminée ! D'autant plus que j'ai décidé de continuer le NaNoWriMo (explications ici) avec cette histoire. Ne vous emballez pas, je ne mettrai pas un nouvel article tous les jours ! En revanche, je pourrais maintenir des délais de publication hebdomadaire pendant un certain temps. Bonne nouvelle pour vous !
Bis : Je m'excuse par avance, il y a eu un petit problème d'espacement, j'essayerai de corriger ça pour la prochaine fois.